Résumé : L’objet principal de cette thèse porte sur l’immigration turque dans l’industrie charbonnière belge dans une séquence historique qui débute en 1956, année de la catastrophe du Bois-du-Cazier à Marcinelle (262 morts), de l’arrêt définitif de tout recrutement au départ de l’Italie pour ce secteur d’activité réputé pour sa dangerosité, de l’extension des bassins de prospection de l’industrie minière et de ses premières tentatives de recrutement en Turquie, et s’achève en 1980, année du rétablissement par les Etats membres du Benelux de l’obligation du visa d’entrée touristique pour les ressortissants turcs au lendemain de l’avènement d’un nouveau régime militaire en Turquie, annonciateur d’un nouvel afflux migratoire conséquent.

Plus largement, la thèse interroge la pertinence du postulat qui veut que les politiques migratoires conçues et mises en oeuvre par les pouvoirs publics, au cours des Golden Sixties, aient considéré les travailleurs migrants comme une main-d’oeuvre d’appoint temporaire.

La première partie de la thèse, qui porte sur la genèse de la politique d’immigration belge entre 1830 et 1960, recadre l’histoire de l’immigration turque dans l’industrie houillère belge et des politiques mises en oeuvre à son intention dans le contexte du double processus d’étatisation et de nationalisation des politiques migratoires au cours des XIXe et XXe siècles.

La seconde partie retrace la configuration des chaînes d’interdépendances qui relient les trajectoires migratoires des travailleurs migrants turcs recrutés par l’industrie charbonnière belge dans les années 1960 et 1970 aux dispositifs générés, séparément ou conjointement, par l’Etat belge, l’Etat turc, l’industrie charbonnière, les organisations syndicales et les services, associations et autres collectifs d’accueil et d’aide aux migrants pour organiser, stabiliser et intégrer cette immigration turque dans les régions minières du pays.

La troisième partie interroge le devenir de cette immigration turque au moment où les fermetures de charbonnages se succèdent et que de nouveaux besoins en main-d’oeuvre se font sentir dans les dernières sociétés charbonnières encore en activité. Elle esquisse en parallèle le processus d’étatisation des politiques d’intégration jusque-là principalement prises en charge par les modes de gestion paternalistes de l’industrie charbonnière.

Cette thèse aborde également, mais dans une moindre mesure, l’immigration originaire de Turquie avant 1960 et l’immigration turque qui se développe au cours des années 1960 et 1970, en marge de celle organisée en faveur de l’industrie charbonnière, à destination d’autres régions et secteurs d’activité du pays (Bruxelles, Anvers, Gand, Ardennes, etc.).

Son angle d’approche dépasse par ailleurs la seule immigration turque en Belgique et la seule politique migratoire belge. Elle s’intéresse ainsi, à travers des analyses comparées, au cas de l’immigration marocaine, qui lui est contemporain, ou encore à la politique migratoire néerlandaise, à l’origine d’un phénomène de désertion massive de l’industrie houillère belge par les ouvriers mineurs turcs.