Résumé : La chimie supramoléculaire est un domaine qui porte sur l’étude des interactions

faibles entre molécules. Ces interactions sont très répandues dans les systèmes naturels et de

nombreux récepteurs moléculaires synthétiques ont été développés, soit pour un apport

théorique à la compréhension de ces processus de reconnaissance, soit pour d’éventuelles

applications en biologie ou en chimie analytique par exemple.

Les calix[6]arènes sont des composés intéressants pour la reconnaissance moléculaire.

Ils possèdent une cavité idéale pour l’inclusion de petites molécules et peuvent être modifiés

par l’ajout de divers motifs de reconnaissance. Le premier calix[6]crypturée préalablement

étudié au sein du Laboratoire de Chimie Organique est un récepteur dont la cavité aromatique

est juxtaposée à un motif de reconnaissance pour anions. Ce dernier est composé d’un

chapeau à base de tren (tris(2-aminoéthyl)amine) portant trois groupes urée. Ce récepteur

possède notamment une forte sélectivité pour le chlorure et une forte affinité pour les paires

d’ions organiques de type chlorure d’ammonium, dans un solvant apolaire (CDCl3).

Cependant, ces propriétés de reconnaissance sont beaucoup plus limitées dans un solvant

protique (CD3OD), ce qui restreint les éventuelles applications. L’objectif de ces travaux a été

de synthétiser de nouveaux dérivés avec une modification autour du site tris-urée pour

renforcer les propriétés de reconnaissance, notamment en milieu protique.

La première stratégie a consisté à agrandir le chapeau cryptant reliant les trois groupes

urée. Trois modes différents de complexation d’ammonium intra-cavitaire ont été mis en

évidence dans un solvant apolaire, dont deux sont remarquables. Avec un anion peu

coordinant (le picrate), le récepteur protoné inclut l’ammonium selon un processus

allostérique pour donner un complexe dicationique. Avec la protonation du récepteur et un

anion dichargé (SO4

2-), l’inclusion de l’ammonium constitue un complexe cascade, stable en

milieu protique.

La deuxième stratégie a consisté à supprimer les groupes méthyle du petit col

calixarénique via une réaction de déméthylation sélective pour obtenir le calix[6]crypturée

1,3,5-trishydroxyle. Dans un solvant apolaire, ce récepteur a montré une plus forte sélectivité

pour la complexation de paires d’ions par rapport à la complexation d’anions, permettant par

exemple de complexer le chlorhydrate de O,O-diméthyldopamine.

La troisième stratégie a été de synthétiser le calix[6]cryptothiourée, un récepteur dont

le chapeau comporte trois groupes thiourée. Cette modification structurale a fortement

renforcé la complexation d’anions mais n’a pas favorisé la complexation de paires d’ions dans

un solvant protique.

Enfin, la complexation de zwittérions a été testée sur l’ensemble de ces récepteurs et le

calix[6]cryptothiourée s’est avéré être un remarquable complexant de la B-alanine bétaïne.

Dans un mélange protique (CD3OD/CDCl3 1:1) la constante d’association est élevée (K ≈ 104

M-1) et supérieure d’au moins trois ordres de grandeur par rapport aux autres zwittérions

testés. C’est à notre connaissance un des rares récepteurs de bétaïnes et le premier à être

sélectif pour la B-alanine bétaïne. Enfin, le biomimétisme du mode de reconnaissance a été

montré par comparaison avec une protéine transporteur de bétaïne (Corynebacterium

glutamicum).