Résumé : Plus de 20 million de personnes à travers le monde sont infectées par le virus T-lymphotrope humain de type 1 (HTLV-1), causant des leucémies à cellules T dans ~5 % des individus infectés. Le virus de la leucémie bovine (BLV), structurellement et fonctionnellement proche de HTLV-1, induit des leucémies à cellules B dans des modèles animaux suite à une infection naturelle (bovin) ou expérimentale (mouton). Les mécanismes moléculaires responsables du potentiel oncogène de ces deux virus restent largement incompris. Dans les deux maladies, leucémies T chez l’homme, leucémies B chez l’animal, le site intégration du virus dans les cellules leucémiques est très variable. Il est donc généralement admis que le potentiel oncogène du provirus est principalement lié à l’activité de l’oncoprotéine virale Tax. De manière paradoxale cependant, ni HTLV-1 ni BLV n’expriment de protéines virales au stade tumoral. Dans ce travail, nous avons étudié le transcriptome non codant des leucémies induites par BLV et HTLV-1 par séquençage à haut débit. Dans la première partie, nous démontrons que le provirus BLV n’est en fait pas silencieux dans les cellules tumorales. BLV produit un ensemble de dix microARNs (miRNAs) très abondants et extrêmement conservés dans toutes les tumeurs. Cette observation constitue la première description de miRNAs encodés par un rétrovirus. Les microARNs encodés par BLV sont transcrits par la RNA Polymérase III, stratégie qui permet leur production de façon indépendante de celle des messagers viraux ainsi que leur expression abondante dans le contexte tumoral caractérisé par l’absence d’activité RNA Polymérase II. Nous avons ensuite montré que, comme HTLV-1, BLV produit des transcrits encodés par le brin négatif du provirus. L’analyse par séquençage ARN à haut débit (RNA-Seq) de tumeurs induites par BLV montre l’absence d’expression virale à partir du promoteur viral situé dans le LTR 5’. Cependant, elle révèle la présence de deux transcrits viraux anti-sens non codants (AS1 et AS2) produits par le LTR 3’. Nous avons identifié ces transcrits dans toutes les tumeurs BLV analysées. Enfin, l’analyse RNA-Seq de tumeurs induites par HTLV-1 et BLV a révélé la présence d’interactions transcriptionnelles virus-hôte. Les gènes hôtes affectés sont significativement enrichis en gènes liés au cancer. Ces résultats suggèrent que les transcrits HTLV hbz et BLV AS1 jouent un rôle essentiel dans la tumorigenèse en interagissant avec le génome de l’hôte. Nous avons également détecté ce type de perturbation à des temps précoces dans le modèle expérimental BLV chez le mouton. Ces observations suggèrent que ces interactions virus-hôte constituent des événements précoces qui procurent un avantage sélectif aux clones associés, mais que d’autres altérations -génétiques et/ou épigenetiques- sont nécessaires à l’établissement de la tumeur. En conclusion, nos travaux vont permettre de mieux comprendre le rôle des interactions virus-génome hôte dans l’oncogenèse ainsi que la fonction de transcrits non codants dans le développement des cancers qu’ils soient ou non d’étiologie virale.

More than 20 million people are infected by Human T-cell Lymphotropic Virus type 1 (HTLV-1) worldwide and this will cause T-cell leukemia in 5% of them. Yet the molecular mechanisms that underlie the oncogenic potential of this virus remain largely unknown. Bovine Leukemia Virus (BLV) is closely related to HTLV1 and causes a very similar B-cell leukemia in cattle and sheep. As for HTLV1, the oncogenic mechanisms underlying BLV-induced leukemia remain poorly understood. In both diseases, leukemic cells harbor mainly one integrated provirus, yet the integration sites are very variable. As a consequence, it is generally assumed that the oncogenic effect of the provirus is largely mediated by the virally encoded Tax protein. Paradoxically, however, both HTLV1 and BLV proviruses are found to be epigenetically silenced in tumor cells. Thus Tax, as any other virally encoded protein, is not expressed in leukemic cells suggesting that other factors are involved in tumorigenesis. In this study we made three observations that might dramatically change the prevalent dogma of HTLV1 and BLV-induced leukemia. First, we demonstrated that the BLV provirus is not silent at all in tumor cells. A cluster of BLV-encoded microRNAs (miRNAs) is highly expressed, accounting for 40% of the miRNAs present in leukemic cells. This finding is the first description of retroviral-encoded miRNAs. BLV miRNAs are transcribed from five independent RNA Pol III units and are exceedingly conserved across BLV isolates (more than the protein coding genes), strongly supporting an essential yet still unknown function. Next we showed that – as HTLV1 – BLV strongly expresses antisense RNAs. High-throughput sequencing of RNA libraries (RNA-seq) from BLV associated tumors, as expected, showed no expression of viral mRNA from the 5’ LTR. However, it did reveal the presence of two novel non-coding antisense transcripts originating in the 3’ LTR of BLV. Finally, RNA-Seq analysis of HTLV-1 and BLV-induced tumors revealed that the viral 3’ LTR-driven antisense RNAs produced by both viruses interact with host genes localized in the vicinity of proviral integration. Enrichment analysis of affected host genes suggests a significant bias towards cancer-related genes. Host gene perturbations were also found at early stages post-infection in the BLV experimental model in sheep, suggesting that provirus-dependent cancer driver gene perturbations trigger initial amplification of the corresponding clones, requiring additional genetic and/or epigenetic changes to develop full blown leukemia. Overall, our findings reveal an unexpected role for BLV and HTLV antisense transcripts and contribute to the understanding of non-coding RNA-mediated mechanisms in leukemogenesis.