Résumé : Cette étude offre une vision de la conservation par zonage des écosystèmes forestiers en République Démocratique du Congo, plus précisément dans la réserve de Luki, en province de Bas Congo. L'équilibre entre les besoins des populations locales et les objectifs de conservation est reconnu aujourd'hui comme l'un des principaux défis du domaine de la conservation. Les acteurs de conservation tentent actuellement de concilier les objectifs de conservation et de développement à travers de « projets de conservation intégrés ».

L'objectif de notre étude est de mener une réflexion sur les problèmes rencontrés par les gestionnaires d’une aire protégée dans la mise en œuvre de la stratégie de conservation par zonage.

Nous avons d'abord travaillé sur l’identification des modes d'appropriation et de gestion des terres, avant et après l'implantation de l'aire protégée. Nous avons procédé à l’analyse des modalités de prise en compte des structures endogènes dans la mise en œuvre des stratégies de conservation appliquées. Pour ce faire, nous avons mené des entretiens avec des personnes ressources, des acteurs au sein des populations locales, des personnes choisies en fonction de la représentativité qu’elles incarnent. Les résultats de ces entretiens ont été couplés aux relevés de terrain réalisés dans le but de cartographier les parcours de déplacement des populations en identifiant les éléments humains d'occupation de l'espace.

Nous avons ainsi identifié et cartographié l'état de la réserve de Luki en termes de surfaces exploitées avant et après l'implantation de l'aire protégée. Ce travail nous a conduit à découvrir les inconforts fonciers subis par les populations lors de l'implantation de l'aire protégée. Des situations d’inconfort le plus souvent ignorées par les acteurs de conservation.

Après l’étude sur les modes d'appropriation et de gestion des terres, l’analyse des modalités de prise en compte des structures endogènes et la cartographie des espaces exploités, nous avons poursuivi la recherche par l’examen des effets du zonage sur le développement et sur la conservation. L'évaluation des effets du zonage sur le développement a été faite sur base des données socio-économiques relatives aux activités introduites par les projets. L'évaluation des effets du zonage sur la conservation a été faite grâce au logiciel Envi 4.6, par l'analyse de trois images satellites. Ces observations ont été mises en parallèle avec les résultats des entretiens et des enquêtes par questionnaires effectués auprès des populations de la réserve. Les entretiens ont porté sur la carbonisation du bois et sur la chasse du gibier, deux activités que nous avons jugées destructrices de la réserve.

Les résultats de nos enquêtes montrent que les structures endogènes de gestion de la terre n’ont pas été impliquées, ni dans la création de la réserve, ni dans la mise en œuvre du zonage. Il existe pourtant un comité de concertation avec un représentant de la population, mais celui-ci n’est pas représentatif de l’ensemble des lignages. Les éléments qui caractérisent l’occupation de l’espace par les populations avant la création de la réserve n’ont pas non plus été pris en compte. Dans un tel contexte, les objectifs de conservation sont difficiles atteints à cause du manque d’appropriation du zonage par les acteurs locaux. Le zonage est motivé par la conservation et la conformité au modèle de réserve de la biosphère, le souci de développement socioéconomique restant secondaire. Le premier zonage réalisé en 1937 a initié des pratiques de gestion favorables à la conservation forestière, mais les effets socioéconomiques qui en ont découlé, ont contribué à accélérer la dégradation de la forêt. Le nouveau zonage effectué en 2004 n’a pas davantage permis de maîtriser la dégradation qui s’accélère encore.

L’étude débouche sur de suggestions permettant aux aménagistes de prendre en compte les besoins des populations locales avant tout intervention d'aménagement.