Résumé :

Les contestations normatives relatives à la nature des transferts financiers Nord-Sud visant l’adaptation au changement climatique et à ses relations avec l’aide publique au développement (APD) se sont considérablement accentuées depuis 2009 lorsque les pays développés se sont conjointement engagés à fournir des ressources «nouvelles et supplémentaires » à hauteur de 30 milliards de dollars pour la période 2010-2012 et à mobiliser collectivement 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020, en les répartissant de manière « équilibrée » entre l’atténuation et l’adaptation dans les pays en développement. Mouvements de solidarité internationale, organisations non gouvernementales de protection de l’environnement, représentants des pays en développement, et parfois institutions multilatérales de développement : nombreux sont les acteurs qui appellent à la mise en place d’un financement international de l’adaptation qui existerait séparément de l’aide, en représentant une forme de « compensation » liée à la responsabilité disproportionnée des pays développés dans l’occurrence du changement climatique.

Notre thèse se construit à partir d’un constat : celui de la déconnexion entre une hypothèse largement répandue dans la littérature académique (i.e., l’existence d’un financement international de l’adaptation qui serait distinct de l’APD – et original sous divers aspects) et la réalité observable (i.e., l’existence d’un tel financement ne se vérifie pas dans les faits). Comment expliquer cette déconnexion ? Telle est précisément la question que nous tentons d’élucider dans le présent document. Nous formulons l’hypothèse selon laquelle les discours opposant le financement international de l’adaptation et l’aide au développement sont le produit d’une vision particulière de ce que devrait être l’APD. L’ambition de notre recherche est dès lors de caractériser cette vision normative de l’aide et d’examiner ses manifestations dans une série de débats récurrents qui traversent la question du financement international de l’adaptation. Nous mettons en évidence le fait que ces discours renouvellent une vision de l’aide entre États souverains destinée à répondre aux injustices internationales et à alimenter un transfert de ressources régulier entre pays riches et pays pauvres.