par Dessy, Clément ;Stiénon, Valérie
Editeur scientifique Dessy, Clément ;Stiénon, Valérie
Référence (Bé)vues du futur. Les imaginaires visuels de la dystopie, Septentrion, Villeneuve-d'Ascq, page (11-34)
Publication Publié, 2015
Partie d'ouvrage collectif
Résumé : Dans la première décennie de ce millénaire, les craintes de la fin du monde sont devenues un phénomène de société particulièrement notable par leur convergence, la gamme variée de leurs expressions et leur inclination au spectaculaire. Sous de multiples formes, ces peurs ont engendré des discours et des représentations mêlant la mise en garde alarmiste à la mise à distance critique vis-à-vis du monde contemporain. Elles ont trouvé leurs publics en ayant recours à des supports et des genres variés, en s'hybridant à la fiction - celle des littératures populaires et de jeunesse notamment - et en investissant la production audiovisuelle cinématographique. Les nombreux détournements photographiques et numériques sur le thème de l'apocalypse urbaine n'en constituent qu'un aspect parmi bien d'autres. Ce phénomène, qui n'est pas récent, s'inscrit dans une histoire des représentations. De longue date, les visions futuristes, par leur diversité et leur plasticité, ont essaimé sur des objets inattendus, des cartes postales aux papiers à chocolat en passant par les cartouches de cigarettes. Avec ironie et autodérision, elles ont cherché à anticiper certaines réalités de la vie sociale, publique ou privée, à l'occasion du passage d'un siècle à l'autre, au gré d'un événement commémoratif comme l'Exposition universelle ou en réponse amusée à la peur générée par la comète de Halley pour le 19 mai 1910. Il s'agit là d'autant d'incarnations d'une mode futuriste qui se saisit du quotidien et décline, sur un ton allant du fantaisiste au grave, les variations sur les mondes possibles. Avec elles, on touche à tout un imaginaire non dénué d'effets idéologiques comme ceux qu'accentuent les écofictions contemporaines en tant que «produits de ce nouveau régime de médiatisation des thèses environnementalistes». Pour en rendre compte, le terme «dystopie», dont l'emploi s'étend dans la critique journalistique et universitaire actuelle, n'est pas exempt de faiblesses ni de lacunes. D'une part, ce mot employé pour la première fois en langue anglaise (dystopia) apparaît étranger à la production francophone, à laquelle il ne peut s'appliquer sans une mise au point réfléchie. D'autre part, son objet n'est initialement pas la littérature, sa première occurrence ayant été employée dans un discours politique de l'économiste John Smart Mil ! Enfin, forgé en 1868, il est de fait anachronique pour une fraction non négligeable de la période moderne. En aucun cas, d'ailleurs, le terme n'a la prétention de désigner un réfèrent uniforme et unanimement circonscrit, aux textes littéraires par exemple. Seule une acception transdisciplinaire et hétérogène de la dystopie peut rendre cette dernière lisible dans l'extension que lui donne le présent volume, attentif à ses affinités avec le régime des images et à ses incidences sur les dispositifs de la représentation.