par Perelman, Chaïm
Référence Revue de l'Université de Bruxelles, 18, 4, page (320-331)
Publication Publié, 1966
Article révisé par les pairs
Résumé : A l’occasion de cette leçon inaugurale d’une douzaine de pages, Chaïm Perelman s’interroge sur la possibilité d’élaborer une philosophie morale qui ne serait pas pur conformisme ; de présenter une autre conception de la raison et du raisonnement que celle qui a été traditionnellement enseignée, tant par le rationalisme que par l’empirisme classique. Il cherche une place pour le libre examen en philosophie et affirme d’abord qu’il n’y a pas d’autonomie morale sans un détachement à l’égard de cette société, une adhésion à des valeurs qui la dépassent, et qui permettent de la juger, de la critiquer et, éventuellement, de l’éduquer et de la modifier. Il poursuit ainsi : Le principe du libre examen a acquis ainsi un sens très précis dans le domaine théorique, mais a-t-il aussi une portée pratique ? Peut-il nous guider, nous être de quelque utilité, en matière de morale ou de politique ? […] L’important, pour moi, c’est que dans une conception purement sociologique de la morale, pas plus que dans une conception religieuse, il n’y a aucune place pour le principe du libre examen. Car, dans les deux cas, le comportement moral ne serait qu’obéissance et conformisme.Par la suite, Perelman interroge l’idée de « vérité » – Ce qui caractérise la vérité, c’est qu’elle est régie par le principe de non-contradiction, et que la négation du vrai ne peut être que le faux. […] celui qui me contredit ne peut être que dans l’erreur – puis celle « d’autorité » qui interdit l’autonomie entre les ordres religieux, politique et moral.Il conclut par une définition du libre examen en tant que refus de considérer un principe d’obéissance, obéissance à une autorité religieuse ou politique, comme principe ultime en matière de conduite. C’est à nous de décider, en dernier ressort, s’il y a lieu ou s’il n’y a pas lieu d’obéir. Nous ne pourrons jamais, si nous sommes un adepte du libre examen, nous décharger de notre responsabilité en arguant, même de bonne foi, que nous n’avons fait que nous conformer aux ordres d’une autorité quelconque. S’il est vrai que l’obéissance à l’autorité sera le plus souvent […] l’attitude recommandable, il faudra que ce soit grâce à une décision d’obéir qui, tout comme celle de désobéir, ne nous permet pas d’éluder nos responsabilités morales. C’est ainsi que, selon le principe du libre examen, au rejet de l’argument en matière théorique, fait pendant, en matière pratique, l’autonomie de la conscience.