Article révisé par les pairs
Résumé : Cette communication voudrait s'intéresser à la (re)lecture du Tractatus logico-philosophicus dans le contexte artistique des années 1970 et 1980. Elle se centrera plus précisément sur deux artistes s'étant explicitement référés à l'essai de Ludwig Wittgenstein dans leur réflexion sur le langage et dans leur pratique curatoriale : Marcel Broodthaers et Joseph Kosuth. Deux faits peuvent être mis en évidence pour étayer cette hypothèse de travail.I. En 1972, à l'occasion d'une exposition à la galerie bruxelloise MTL, Broodthaers produit une pièce dont le titre est directement inspiré de l'essai de Wittgenstein : le Tractatus logico-catalogicus est, en réalité, la reprise du catalogue d'une exposition présentée par le même artiste, deux ans plus tôt, dans le même espace. Il ressort de cette pièce que Broodthaers interroge le statut du catalogue, et donc du langage, dans le processus expositionnel qui transforme un objet en objet d'art. Il amplifiera sa réflexion sur la nature de l'art à travers la "théorie des figures" qu'il développe alors qu'il adopte une posture de curateur d'exposition le conduisant, en 1974-1975, à mettre en scène son propre travail artistique dans ce qu'il appelle des "décors". II. En 1989, l'exposition intitulée Wittgenstein, le jeu de l'indicible conçue par Kosuth est présentée à Vienne d'abord, au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles ensuite. Cette exposition comprenait deux parties : un volet biographique sur Wittgenstein et une section de nature spéculative. Celle-ci s'interrogeait sur la nature de l'art à travers l'articulation de l'art avec le langage. Par ce biais, Kosuth entendait aussi actualiser l'apport de Wittgenstein au regard des manifestations artistiques contemporaines (dont Magritte et Broodthaers pour le champ belge). En prenant pour postulat que contrairement au discours, l'art peut exprimer l'indicible, la démonstration de Kosuth part de l'aphorisme final du Tractatus selon lequel "sur ce dont on ne peut parler, il faut garder le silence" pour poser la question de ce que peut dire le langage lorsqu'il est un élément constitutif d'un dispositif plastique.Nous voudrions partir de ces deux cas pour observer ce qui ressort de la théorie de l'art quand celle-ci se soumet à l'épreuve de l'exposition. En effet, la relation entre l'art et le langage qui constitue le fondement de la théorie de l'art, se déplace, dans l'exposition, entre les œuvres présentées dans la réalité des salles et leur dénomination dans les diverses formes de discours qui accompagnent ce type d'événement. Le catalogue s'impose parmi ces catégories discursives. On s'intéressera, pour cette communication, plus spécifiquement au catalogue de la dernière exposition de Broodthaers. L'Angélus de Daumier (1975) constitue en effet l'aboutissement d'une "théorie des figures" inspirée des théorèmes linguistiques de Magritte également relayés, dès le milieu des années 1960, par les Proto-investigations de Kosuth.