Article révisé par les pairs
Résumé : La vague de grèves paysannes des années 1998 et 1999 constitue l’une des plus importantes mobilisations contestataires connues par la Pologne depuis le changement de régime. Elle a communément été interprétée comme le symptôme du malaise des campagnes polonaises, comme une poussée de fièvre protestataire d’une paysannerie incapable de s’adapter aux exigences nouvelles de l’économie de marché. Rompant avec ces lectures pathologiques et mécanicistes, l’article entend resituer l’étude de la mobilisation dans l’espace « normal » du politique en plaçant au cœur de l’analyse les stratégies de politisation et de mise en forme de la mobilisation développées par les entrepreneurs de cause. Loin d’être spontané, le mouvement de contestation apparaît dès lors comme le résultat relativement improbable du travail de politisation concurrentiel de la crise économique du secteur agricole mis en œuvre par les principales organisations prétendant à la représentation de la paysannerie dans les jeux politiques post-communistes. L’étude de la couverture médiatique des événements permet de prendre conscience de l’influence des médias sur la dynamique de la mobilisation et particulièrement sur son apparente radicalisation. En se focalisant sur les actions les plus spectaculaires, ils tendent à fournir une couverture privilégiée aux stratégies de scandalisation et de subversion des règles de la manifestation développées par le syndicat Samoobrona. Bien que marginale au début de la mobilisation, cette organisation parvient ainsi progressivement, par le biais de son président Andrzej Lepper, à s’imposer comme le principal bénéficiaire du mouvement contestataire.