Résumé : La fin du XXème siècle voit consacrée la mémoire de la Seconde Guerre mondiale axée sur la Shoah dans l’espace public et institutionnel. Le retour opéré sur cette mémoire s’intensifie dans les années 1990 pour s’accompagner, notamment dans le contexte de la guerre en Ex-Yougoslavie, d’une réflexion sur les droits de l’homme et la prévention des crimes de masse en général. Le message universaliste bientôt porté par la Shoah répond à la globalisation de sa mémoire à l’échelle mondiale. Ce phénomène connaîtra son sommet avec la Déclaration de Stockholm, signée en 2000. Quatre ans plus tard, cependant, l’Union européenne procède à un élargissement d’importance, s’ouvrant par-là aux pays d’Europe centrale et orientale. Pour ces derniers, confrontés à la mémoire occidentale institutionnalisée, il va s’agir d’obtenir de l’Union une reconnaissance équivalente de leur passé.Alors que les partisans de deux paradigmes mémoriels distincts s’affrontent au sein du Parlement européen – sans compter les nombreuses stratégies historicisantes à l’échelon national – les programmes de la Commission évoluent, au fil d’une réflexion propre. Le soutien aux projets liés à la mémoire de l’Europe, justement, passe en 2007 du programme culturel à celui de la citoyenneté. S’il s’ouvre alors au-delà du souvenir du nazisme à celui du stalinisme, ces catégories arrêtées semblent bien refléter un compromis politique laborieux. L’objectif n’en est pas moins ambitieux : comprendre les origines de l’Union européenne et ce contre quoi elle se définit semble d’autant plus nécessaire en ces temps de crise de confiance. Comment diriger cependant la réflexion des citoyens sur le passé vers un apprentissage de la participation civique et de la démocratie européenne sans pour autant imposer par le haut une mémoire figée, artificielle ? La Commission se refuse toujours à mettre en œuvre ses propres projets de commémoration paneuropéenne mais se dit dotée des moyens d’orienter politiquement le débat. Comme la mémoire prend une place grandissante, bien qu’encore mesurée, dans le programme citoyen de la Commission, on peut se demander à quelles fins cette dernière destine-t-elle le potentiel mobilisateur de la thématique. Cette étude a pour objet l’action « Une mémoire européenne active » de la Commission ; elle pose la question du rôle destiné à la mémoire dans l’intégration européenne, également pour le futur. À associer la mémoire, justement, à l’identité, l’histoire, la participation civique et la tolérance, quelles conséquences doit-on redouter ? C’est l’interrogation que laisse apparaître, en filigranes, l’hypothèse principale.