par Detandt, Sandrine ;Askari, Sarah;Olyff, Giulia ;Bazan, Ariane
Référence 49ème congrès de l'API. Le monde en mutation. La forme et l’usage des outils psychanalytiques aujourd’hui (22-25/07/2015: Boston, USA)
Publication Non publié, 2015
Poster de conférence
Résumé : La jouissance est un des champs dont la psychanalyse fait usage pour rendre compte de ce qui pourrait expliquer le boitement structurel de la condition humaine, son paradoxe fondamental. Partant d'une épistémologie transcendantale, nous envisageons que, bien que le corps et la psyché ne revêtent pas les mêmes réalités, ils ont certains points d'accroche dont fait partie la jouissance et, bien que le corps ne détermine pas le psychisme, il le contraint. Il est alors proposé ici une hypothèse neuropsychanalytique de la jouissance, l'articulant autour du corps et de l'histoire. La jouissance serait la marque de ce qui a fait événement pour le sujet. Cette description permet de relier ce concept à la neurophysiologie des circuits dopaminergiques qui marquent physiologiquement tant la dimension pulsionnelle, que la dimension événementielle et donc historique.
A partir de cette conceptualisation, un paradigme expérimental a été constitué afin d'investiguer cette possibilité d'une accroche entre le psychique et le biologique chez des sujets dépendants, lorsqu'ils sont confrontés à leur objet d'addiction. Concrètement, nous 'osons' l'hypothèse que plus un sujet manifeste d'indices repérables d'une mobilisation pulsionnelle dans son discours libre amorcé par l’objet addictif (dans ce cas-ci, la cigarette pour des fumeurs), plus il aura le geste rapide et sûr pour l’attraper ou des difficultés à inhiber son appétence vers cet objet. Ceci est investigué à travers un outil constitué à partir de la théorie psychanalytique d’une part, et à travers deux tâches de type Go-NoGo (évaluées par des mesures comportementales –temps de réaction et erreurs- et électrophysiologiques -la N2 et la P3, deux marqueurs considérés comme reflétant la signature des processus attentionnels et des biais d’inhibition-, d’autre part. La particularité du paradigme, outre cet usage d’outils issus de champs distincts, réside dans le fait que, à aucun moment, ce n’est le sens du discours des sujets, qui est investigué. L’outil psychanalytique évalue effectivement la façon dont les sujets s’expriment, et ce sont des juges naïfs (à l’égard de l’étude et de la psychanalyse) qui évaluent leur discours. Nos résultats mettent en évidence que les personnes dépendantes manifestent une tendance à l’impulsivité de façon générale. Mais, lorsque leur objet d’addiction est en place de support attentionnel, les sujets démontrent une augmentation significative de leurs performances et de l’amplitude de la P3, signe d’un investissement attentionnel. Les résultats des associations libres révèlent que la forme du discours des fumeurs est évaluée comme plus transgressive (comparativement aux non-fumeurs). Enfin, on retrouve une corrélation entre les indices psychiques (la transgression) et neurophysiologiques (la latence de la NoGo-N2). En conclusion, il semble que l’addiction dépasse la simple réalité pharmacologique de l’effet du toxique puisqu’il est repéré ici que l’effet de stimulant cognitif (manifeste par l’amélioration des performances) est induit par la simple représentation de la cigarette et non par la consommation de celle-ci. Ensuite, au regard de notre proposition épistémologique, nous semblons avoir réussi, sur base d’une lecture rapprochée des séminaires de Lacan, à construire un outil qui distingue de façon cohérente, consistante et valide une dimension pulsionnelle d’une dimension affective (valencée) dans ce qui peut s’entendre. Grâce à cet outil, nous avons trouvé des corrélations entre certains de ces marqueurs psychiques et certains paramètres physiologiques - les paramètres corrélant étant précisément des plus probants et la corrélation s’avérant être dans le sens prédit par notre construction hypothétique. Sur ce 'succès’, nous osons une conclusion épistémologique plus large qui propose que si l’univers du représentationnel, c'est-à-dire, du mental, est bien accroché au niveau de repères physiologiques, ceci n’est démontrable sur un plan mental que si l’on se borne à la forme des contenus mentaux – et, qui plus est, et de façon spéculative, en évitant toute hérméneutique au niveau des contenus mentaux.