par Dessy, Clément
Editeur scientifique Goldman, Noémie ;Goddeeris, Ingrid
Référence Animateur d'art, Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles, page (171-183)
Publication Publié, 2015
Partie d'ouvrage collectif
Résumé : Le directeur de La Revue blanche, Thadée Natanson, est fréquemment cité comme le critique d’art attitré du groupe des Nabis dans les années 1890. Il s’attache tant à ce groupe que les peintres qui le composent (en particulier Pierre Bonnard, Édouard Vuillard et Félix Vallotton, proches de la rédaction de la revue) sont perçus comme relevant d’un goût « juif », notamment par le journal antisémite La Libre Parole d’Édouard Drumont. Si Natanson est décrit comme plus apparenté au champ pictural que littéraire à cause de ses prises de position en faveur d’une critique formaliste de la peinture (Lucbert, 2005), il n’en reste pas moins qu’avant d’entamer sa carrière critique, c’est vers la littérature qu’il s’est d’abord tourné en écrivant de multiples textes poétiques et fictionnels (dont un roman inachevé, Pour l’Ombre) dans La Revue blanche. Par ailleurs, si sa revue s’ouvre largement aux innovations picturales, celle-ci demeure essentiellement consacrée à la littérature. Natanson met également ses efforts au service de la promotion des Nabis autrement que par la simple critique. Il procède par l’acquisition d’œuvres ou par des expositions montées dans les locaux de la revue. Le réseau de ses familiers, parmi lesquels on compte Jean Schopfer (connu comme romancier sous le pseudonyme de Claude Anet) ou le Prince Bibesco, fait également d’importantes commandes aux Nabis (Édouard Vuillard, en l’occurrence). Au cours de sa carrière, il se consacre à la promotion des impressionnistes et il n’a pas peu œuvré à la fin des années 1890 à la constitution d’une alliance objective entre les Nabis et les néo-impressionnistes, initialement rivaux. La position du directeur de La Revue blanche est donc ambivalente entre peinture et littérature. À travers l’analyse de la trajectoire de Natanson, c’est un profil particulier de l’animateur d’art que nous entendons mettre à jour. Son profil peut être inscrit dans la définition de l’« élite culturelle » telle que formulée par Christophe Charle. Le réseau qu’il constitue autour de lui, par le biais de la revue, lui permet de mener et d’étendre ses activités d’animateur d’art. Natanson appartient à un groupe parisien possédant une importante aisance financière et participant d’une vision positive et dynamique de l’art. Cette dernière contraste avec les tendances morbides et maladives des mouvances décadentes à la fin du siècle. C’est un examen à la fois sociologique et esthétique que nous proposons pour mieux cerner les objectifs de cet animateur d’art, d’abord écrivain avant d’être dilettante.