par Fisher, Axel
Publication Non publié, 2013-12-21
syllabus
Résumé : Est-il vraiment possible de parler d'une théorie du paysage? Il s'agirait tout d'abord de définir la notion de paysage: tour à tour espace perçu et lieu d'observation, section d'espace vécu d'une population distincte ou forme de gouvernement, la notion de paysage se superpose-t-elle à celle d'environnement, de territoire, d'écosystème, de nature? Par ailleurs, l'apparition consciente de cette notion dans le champ disciplinaire de l'architecture ne remonte qu'aux débuts du 19ème siècle (Meason, 1828; Loudon, 1841). Le paysage comme terrain privilégié du projet serait-il une invention récente, et les paysages plus anciens le fruit du seul hasard et non d'une intention? Outre la polysémie du mot lui-même, son terrain d'action est lui aussi sujet à une ample mobilité. En effet, l'«architecture du paysage», initialement identifiée à la noble tradition de l'art des jardins, s'est étendue en l'espace de deux siècles du jardin privé (de la noblesse, de l'aristocratie, du clergé) au parc public urbain (depuis l'apparition des jardins botaniques, en passant par les parcs pittoresques anglais et parisiens, et jusqu'aux grands parcs «naturels» américains). De plus, les défis lancés dès l'après-guerre par l'écologie, le «Land Art», ainsi que par la critique à l'«urbanisme de plan» moderniste, ont également contribué à élargir l'horizon de l'«architecture du paysage» à la globalité du projet d'aménagement du territoire (Mostafavi et Najle, 2003; Waldheim, 2004). Le paysage est donc une cible mouvante. Créateurs, protecteurs, usagers du paysage en conçoive la matérialité et en perçoivent le sens différemment. Souvent invoqué comme «lieu du meilleur» (G. Clément), comme catégorie positive par essence, il se fait parfois aussi dispositif de naturalisation des conflits sociaux ou véhicules d'idéologies totalisantes (Cosgrove). Le cours propose de parcourir quelques moments d'élaboration de théories du paysage, à partir des textes et des œuvres, comme un fragment d'une possible bibliothèque idéale du paysagiste. Il tentera d'insinuer plusieurs doutes auprès des étudiants. Le paysage serait avant tout une vue de l'esprit, une construction culturelle propre aux civilisations urbanisées: comme compensation et consolation, comme lieu d'évasion et de retrait de la sphère collective et sociale, comme antagoniste de cette même urbanité. Aujourd'hui, derrière l'ambition affichée d'en faire le concept fondateur d'un renouvellement disciplinaire de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire, on ne peinera pas à reconnaitre son usage inavoué comme facteur d'effacement/naturalisation des rapports de force socio-économiques et de blanchiment écologique de pratiques plus anciennes. Il s'agira alors de reconnaitre dans l'histoire des théories du paysage les éléments de progrès et d'affranchissement et les usages déviés qui en ont été fait, de déceler les transformations de mentalités qui se cachent derrière ses évolutions, tout en conservant à l'esprit que c'est cette même histoire des mots et des formes qui constitue la matière première de toute pensée future du projet de paysage.
Le syllabus de ce cours de la formation en architecture du paysage (co-organisée par ULB-ULg-Haute Ecole Charmlemagne) consiste en une anthologie de textes organisés par leçons thématiques, disponible via la plate-forme eCampus.