Résumé : Lorsqu’on s’intéresse aux récits de missions de conseil, on constate que les objectifs de mission qui sont proposés à l’intervenant suscitent souvent chez lui des questions délicates : faut-il poursuivre ce travail avec lequel je ne me sens pas en accord ? ; dans quelle voie faut-il s'engager face à une incompatibilité entre les souhaits du commanditaire et les objectifs contractualisés ? ; faut-il aller jusqu'au bout de la réalisation des objectifs contractualisés alors que le commanditaire semble s'en désintéresser ? ; etc. La pratique du conseil montre que l’orientation de la mission, le choix d’une perspective d’action, est réellement problématique. Cet article se propose de modéliser ces difficultés telles que perçues par les intervenants. Plus précisément, il s’agit de comprendre : -quelle est l'origine de la difficulté d'orientation perçue par l’intervenant. De quelle nature sont les facteurs déclencheurs de ces difficultés ? Qui sont les protagonistes de cette situation ? La question de l’acceptabilité d’une mission de conseil est ainsi posée.-quelle est l'issue de cette difficulté perçue. Quels ont été les facteurs déterminants dans le choix ou l'imposition de cette issue ? Quelles sont les réactions possibles de l’intervenant face à une perspective d’action qu’il juge inacceptable ? Une modélisation a été élaborée à partir de cas présentés dans la littérature sur le conseil et à partir d’interviews de quarante-trois intervenants. La composition de l'échantillon a été faite de manière à proposer une diversité selon les variables suivantes : -la taille du bureau de conseil (de deux personnes à plusieurs centaines) ; -le niveau d'expérience de l’intervenant (de l’intervenant junior au responsable ou co-responsable du bureau de conseil) ;-le caractère national ou international de la structure du bureau de conseil. On constate qu’en pratique, les intervenants sont souvent confrontés à des perspectives d’actions multiples qui peuvent s’opposer : -les objectifs formels de la mission (c’est-à-dire les objectifs contractualisés) ;-les objectifs portés par le commanditaire de la mission ;-des objectifs portés par des acteurs qui n’ont pas une autorité directe sur la mission mais qui peuvent, aux yeux de l’intervenant, légitimement influencer son orientation. Ces diverses perspectives d’action peuvent revêtir un caractère plus ou moins acceptable aux yeux de l’intervenant en fonction de trois éléments : ses représentations de la situation, ses intérêts en jeu et les valeurs qui sous-tendent son activité. Ces trois éléments, que je désigne sous le vocable de « système RIV », vont générer des tensions vis-à-vis de certaines perspectives d’action et expliquer les réactions de l’intervenant face à ces tensions. Quatre types de réactions sont mis en évidence : l’absorption de la tension, la négociation de nouveaux objectifs, la simulation et l’abandon de la mission. Le cas particuliers des intervenants issus du monde de la recherche est ensuite analysé et nous verrons que la situation d’un centre de recherche n’est pas éloignée de celle d’un cabinet de conseil plus « classique ». L’article conclut sur quelques pistes d’actions proposées à l’intervenant qui veut s’inscrire dans une démarche de RSE.