Résumé : Depuis des décennies, la Belgique fait l'objet des mêmes constats relatifs aux déficiences de sa gouvernance publique. La politisation et la bureaucratisation de l'administration, l'influence des partis politiques dans le processus décisionnel, le rôle de plus en plus limité des parlements sont souvent dénoncés. Ces dérives nous amènent à remettre en question le fonctionnement de notre système politico-administratif. Dans cet article, nous nous interrogeons sur une spécificité de notre système, à savoir les cabinets ministériels. Depuis leur création au cours du 19ème siècle et leur première réglementation en 1912 , les cabinets ministériels ont fait l’objet de nombreux écrits. Des arrêtés royaux , d’une part, précisent leur rôle et leur composition. Tel que présenté dans l’arrêté royal du 19 juillet 2001, ils sont organisés en cellules stratégiques qui « appuient le ministre pour la préparation et l’évaluation de la politique, dans un objectif d’intégration et de coordination optimales de celle-ci au sein du service public » et en secrétariats chargés de « la fonction de soutien politique à l’égard des membres du gouvernement ». Ils sont composés de membres de personnel d’exécution, de collaborateurs de fond et d’experts. Tous sont nommés et démis par la seule décision du ministre qu’ils assistent. La taille des cabinets varie de 50 à 80 collaborateurs tant au fédéral que dans les entités fédérées. D’autre part, de nombreux auteurs, tels Crabbe, Molitor, Van Hassel, Eraly ou Suetens et Walgrave , ont tenté de lever le voile sur leurs innombrables attributions et leurs rapports avec tous les acteurs du réseau gouvernemental. Leurs liens étroits avec les ministres en tant que secrétariat personnel et conseiller politique, leurs interactions constantes avec les autres cabinets pour faciliter le processus décisionnel au sein de la coalition et le rôle de relais qu’ils jouent entre le ministre et l’administration sont autant de fonctions qui les placent au cœur de notre exécutif belge. De plus, leur influen ce et leur pouvoir sont encore renforcés par leurs relations constantes avec les médias, les groupes d’intérêts, les parlements et les partis politiques. La littérature se consacre également à dénoncer les dérives des cabinets ministériels. Les auteurs mentionnent qu'ils entravent le bon fonctionnement de l’administration en engendrant la démotivation et la déresponsabilisation de ses agents. Loin de compenser l'incompétence et la politisation de l'administration, ils n'auraient de cesse de renforcer ces maux. Outre les dysfonctionnements entraînés au sein de l'administration, leur rôle, leur composition et leur cercle d'influence sont aussi fortement remis en cause. Enfin, le clientélisme ambiant qui y règne ou encore l'utilisation des deniers publics pour conforter la position d'un ministre dans son arrondissement électoral sont autant de critiques qui leur sont encore adressées. Alors que les cabinets sont fortement critiqués, ils persistent. Outre le monopole des cabinets sur le processus décisionnel et leur volonté toute relative de négocier leur propre suppression, un argument est invoqué par certains pour empêcher toute tentative de réforme : notre système politico-administratif ne pourrait se passer des cabinets ministériels. Ces derniers seraient nécessaires au fonctionnement de notre système. A travers cet article, c’est ce lien de cause à effet entre notre système politico-administratif et les cabinets ministériels que nous entendons étudier.