Résumé : POURQUOI AGIR ?Le bien-être et/ou développement optimal des enfants dépend des conditions dans lesquelles ils naissent et grandissent. La naissance d’un enfant demande d’avoir accès à certains services afin de garantir le bon déroulement de ces moments de vie, mais certaines familles sont davantage vulnérables de par leur milieu de vie, leurs ressources, leur état de santé et demandent davantage de soutien. L’intervention de services sociaux et sanitaires peut être bénéfique pour atténuer ces inégalités en garantissant l’accès à des soins de santé de qualité, agissant sur les facteurs sociaux intermédiaires du bien-être des enfants et des familles et en améliorant la ‘condition parentale’ pour soutenir les parents dans leurs différents rôles.Les situations de vulnérabilité dues à l’isolement social, les faibles ou très faibles revenus et les problèmes de logement retiennent particulièrement l’attention des professionnels, de même que des aspects de santé mentale touchant les mères et les risques de négligence affectant les enfants.QUI AGIT ACTUELLEMENT ?L’offre des services périnataux en Fédération Wallonie-Bruxelles et en Communauté germanophone est composée de deux grands volets. D’une part les consultations médico-sociales mises en place par l’Office de la Naissance et de l’Enfance (ONE) et par le Dienst für Kind und Familie (DKF) , qui ont également une mission transversale spécifique de soutien à la parentalité. D’autre part, des services institutionnels ayant choisi de développer un axe d’intervention autour de la naissance d’un enfant et ciblant les familles vulnérables et des structures associatives spécialisées mises en place dans le cadre de politiques sociales diverses (enfance, famille, aide aux personnes, action sociale, aide à la jeunesse, culture). LE CHAMP PÉRINATAL STRICTO SENSU : L’ONE, LE DKF ET LES MATERNITÉSLes consultations médico-sociales de l’ONE et du DKF sont destinées à toute la population selon un principe d’accès ‘universel progressif’. Les prestations sont individuelles et collectives ; elles sont fournies dans les locaux de la consultation et, dans certains cas, à domicile. Les Travailleurs Médico-Sociaux (TMS) des consultations développent des prestations complémentaires à domicile lorsqu’ils identifient un besoin de suivi renforcé pour les familles. Le soutien consolidé peut également être organisé en période de grossesse. Les consultations médico-sociales de l’ONE assurant le suivi des grossesses ont une couverture de 28% inégalement répartie sur le plan géographique. C’est au moment de la naissance que se constitue un système offrant une couverture plus large grâce à la présence d’un TMS de liaison et un dispositif médico-psycho-social complémentaire. Un tel dispositif existe dans la moitié des maternités de la Fédération Wallonie-Bruxelles pour les familles vivant dans la grande précarité. Ces dispositifs complémentaires sont surtout présents dans les provinces dépourvues de consultations prénatales de l’ONE. Les TMS de liaison font également le relais avec les consultations pour enfants au moment de la naissance. Néanmoins, une réelle continuité consultation prénatale – service de liaison – consultation pour enfant devrait être renforcée. Les projets de soutien à la parentalité sont développés pour toutes les familles qui fréquentent les consultations pour enfant de l’ONE. En Communauté germanophone, le soutien particulier des familles vulnérables par le TMS est initié pendant la grossesse sur base des demandes de soutien matériel des familles auprès d’un fonds spécial. Une grille de critères de vulnérabilité est appliquée pour déterminer le niveau de soutien qui sera organisé. LE CHAMP PÉRINATAL ‘ÉLARGI’Le ‘champ élargi de la périnatalité’ se réalise en dehors d’un programme médico-social spécifique. L’éventail de services sociaux et de santé comprend des CPAS, des haltes-accueil, des maisons médicales, des centres de planning familial et santé mentale, mais également des asbl à accès ciblé ou universel. Ces structures relèvent de différents niveaux de pouvoir et s’inscrivent dans le cadre de différentes politiques sociales aux objectifs variés. Leur accessibilité diffère mais on remarque un souci assez généralisé d’accès financier au service. Les services sont soit de type universel où les bénéficiaires se rendent dans le service (« come-structure »), tels que les maisons ouvertes et haltes-accueil, soit des services ciblés comprenant éventuellement un accompagnement à domicile (« go-structure ») de familles vulnérables. L’alliance des deux démarches, serait la plus porteuse pour les situations de précarité importante. La multidisciplinarité et un haut niveau de formation caractérisent les équipes, permettant de proposer des services variés et globaux en réponse à la complexité des situations rencontrées. La collaboration en réseaux de structures et de professionnels largement pratiquée permet d’améliorer l’impact des interventions, de permettre la coordination des interventions sur le plan opérationnel et des modes d’action. COMMENT LES SERVICES AGISSENT-ILS ?Trois grands types d’activités ont pour point commun de mettre l’enfant au centre des effets recherchés : celles où l’enfant est le sujet direct de l’activité, celles où l’enfant est le bénéficiaire indirect d’une action menée auprès de ses parents et enfin celles où c’est le lien parent-enfant qui est directement travaillé, avec une action menée de concert sur l’enfant et son parent.Le caractère ‘asymétrique’ de la relation professionnel-parents, le premier pouvant éventuellement mettre en place des mesures non souhaitées par le second risque de provoquer des situations d’évitement et un sentiment de stigmatisation pour le bénéficiaire. L’établissement d’une relation de confiance représente l’enjeu des pratiques. QUELLES SONT LES LIMITES ET LACUNES DU SYSTÈME ?Une approche qui prendrait en considération les périodes avant la naissance, autour de la naissance et les premiers mois de l’enfant ainsi que le couple, l’enfant, la mère et le père, correspond à un vide dans les politiques sociales. Sa reconnaissance souffre d’une absence de dénomination appropriée qui en limite le développement tant sur le plan de sa cohérence et de sa continuité, qu’au niveau de sa couverture. Il en résulte également un manque d’informations quant aux services disponibles, tant pour les professionnels que pour les parents. Des manques de formation et de supervision nécessaires aux professionnels sont également soulignés. Enfin, les pères sont oubliés ou stigmatisés face à la dyade mère-enfant.RECOMMANDATIONS POUR UN MEILLEUR SOUTIEN AUX FAMILLES VULNÉRABLES EN PÉRIODE PÉRINATALE.Plusieurs principes généraux du soutien à la parentalité sont également valables dans le cas de la périnatalité et des familles vulnérables: (a) l’inscrire au sein d’une approche basée sur les droits de l’enfant; (b) la construire sur une approche non stigmatisante et fondée sur l’empowerment ; (c) et baser l’offre de services sur une stratégie d’universalisme progressif. Ces recommandations s’articulent autour de trois axes :1. DÉVELOPPER ET BANALISER LE RECOURS À DES SERVICES RÉPONDANT AUX BESOINS DIFFÉRENCIÉS DES FAMILLES DÈS LA PÉRIODE PRÉNATALEa) Développer une offre de services diversifiée qui réponde à l’hétérogénéité des besoins et attentes des familles et rendre son information accessible. b) Renforcer l’offre de première ligne et mettre en place des approches innovantes afin de favoriser l’utilisation effective des services périnataux « généralistes » par toutes les familles et particulièrement celles qui en ont le plus besoin. Prendre en compte le risque de stigmatisation (et ses conséquences : évitement, peur…) que peuvent éprouver les familles.c) Agir dès le prénatal. Cette période particulière sur le plan émotionnel peut être investie de manière à soutenir ou renforcer les compétences parentales.2. ARTICULER LES SERVICES GÉNÉRALISTES ET LES SERVICES SPÉCIALISÉSL’intégration de services ciblés au sein d’un service universel généraliste (les consultations ONE), ou l’adossement d’un service ciblé à un service généraliste (Aquarelle, Seconde peau par exemple) représentent deux modes d’articulation efficaces. Mais d’une manière générale c’est le travail en réseau qui domine. Il convient de mettre des moyens à disposition pour développer un travail en réseau de qualité, et en particulier de reconnaître le temps consacré par les équipes au renforcement de leur réseau interprofessionnel. Il importe en effet d’assurer la continuité et la prise en charge globale des familles, d’assurer la cohérence du soutien et d’éviter la superposition des intervenants.Le TMS du service de liaison au sein des maternités occupe une position stratégique. Présent dans quasi tous les lieux d’accouchement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il voit quasi toutes les accouchées, il est en mesure de relier les acteurs intervenant en période périnatale. Ce rôle devrait être repensé et renforcé pour augmenter les bénéfices pour les familles particulièrement vulnérables. 3. UNE PRISE EN CHARGE HOLISTIQUE ET PLURIDISCIPLINAIRE DES FAMILLES VULNÉRABLES EN PÉRIODE PÉRINATALETenir compte de toutes les dimensions, médicales, sociales, psychologiques, passe par une collaboration pluridisciplinaire effective qui nécessite que les professionnels ayant longtemps évolué avec leurs paradigmes propres changent. En particulier, entre professionnels des périodes prénatale et postnatale nécessitant une bonne communication, pour assurer une continuité des services et une prise en charge globale.4. RECONNAÎTRE LE ‘SOUTIEN PÉRINATAL’ ET SOUTENIR LES PROFESSIONNELSIl convient de reconnaître la spécificité de la période périnatale et en conséquence de la financer à son juste niveau pour la formation continue, la reconnaissance d’interactions formatives entre professionnels, et l’organisation de structures de référence pour réfléchir et agir collectivement à propos de situations complexes.5. EVALUER LES ACTIONS MENÉESToutes les politiques sociales, tous les programmes doivent être évalués, celles et ceux de soutien périnatal également. L’évaluation ne doit pas masquer que ces programmes ne constituent qu’une petite partie des politiques de lutte contre la pauvreté. Elle devrait se baser sur des mesures quantitatives mais également utiliser des approches qualitatives, et se pencher sur des aspects encore mal documentés tels le renforcement des facteurs positifs de santé et des facteurs de protection et le point de vue des parents et des enfants.