Résumé : Les bioprocédés ont connu un essor considérable au cours de ces dernières années et sont promis à un bel avenir. Qu'il s'agisse de la production de vaccins, de la fermentation de levures pour l'industrie alimentaire ou encore de l'épuration biologique des eaux usées, les applications sont nombreuses et les produits sont d'un intérêt capital pour l'être humain. Étant donnés le coût et le temps de mise en oeuvre de ces procédés, il est particulièrement utile de construire des simulateurs permettant de reproduire le comportement macroscopique des cultures cellulaires utilisées. Ces simulateurs peuvent servir à déterminer des conditions optimales de fonctionnement (en fonction des critères de l'utilisateur) et à tester certains outils (régulateurs, capteurs logiciels, etc.). Par ailleurs, il est nécessaire, pour le suivi et la régulation de ces procédés, de disposer de grandeurs mesurées (concentrations cellulaires, en substrats, en le produit d'intérêt, etc.). Les problèmes liés à la mesure matérielle de ces grandeurs sont nombreux: coût des capteurs, destruction des échantillons, longues périodes d'échantillonnage, temps d'analyse élevés, etc. Il est dès lors utile de construire des observateurs d'états (ou capteurs logiciels) fournissant une estimation en temps continu de grandeurs non mesurées sur la base d'un modèle mathématique et de certaines mesures matérielles.

Les modèles mathématiques sont nécessaires pour la synthèse des deux types d'outils envisagés dans ce travail (simulateurs et capteurs logiciels). Les modèles utilisés consistent en les bilans massiques des constituants apparaissant dans le schéma réactionnel, ce dernier contenant les réactions essentielles pour la description des phénomènes à l'échelle macroscopique. Au sein de ces bilans massiques, une nouvelle structure générale de modèle cinétique est proposée, possédant un certain nombre de propriétés intéressantes, telles l'interprétation physique des paramètres cinétiques, les concentrations définies positives sous certaines conditions, la garantie de stabilité entrées bornées - états bornés, ou encore la possibilité de linéarisation en les paramètres à estimer.

Une méthodologie générale d'estimation paramétrique est proposée, afin d'identifier les coefficients pseudo-stoechiométriques, les coefficients cinétiques et certains paramètres expérimentaux (concentrations initiales des cultures). Cette méthodologie possède un caractère systématique, prend en compte les erreurs de mesure sur l'ensemble des signaux (y compris à l'instant initial), fournit à l'utilisateur la covariance des erreurs d'estimation paramétrique, prend en compte intrinsèquement les contraintes de signe sur les paramètres, fournit une estimation des erreurs de simulation, permet de réduire le nombre d'équations différentielles au sein du modèle, etc. La mise en oeuvre et l'intérêt de ces outils sont illustrés en simulation (cultures bactériennes) et dans le cas d'une application réelle (cultures de cellules animales CHO).

La première catégorie d'observateurs d'états étudiée dans ce travail est celle des observateurs utilisant pleinement le modèle cinétique. L'observation d'états basée sur l'identification des conditions initiales les plus vraisemblables est plus particulièrement analysée. Elle consiste à estimer en temps continu l'entièreté de l'état par intégration d'un modèle de simulation au départ des conditions initiales les plus vraisemblables. Ces dernières sont identifiées à chaque nouvel instant de mesure sur la base de toute l'information disponible jusqu'à cet instant. Certaines propriétés mathématiques sont étudiées (dont une comparaison avec le filtre de Kalman) et un certain nombre d'extensions de la méthode sont proposées (dont une version récurrente qui ne nécessite plus de résoudre un problème d'optimisation non linéaire à chaque nouvel instant de mesure). Ces outils sont à nouveau illustrés dans le cadre des cultures de cellules animales CHO, et se basent sur les modèles de simulation développés dans la première partie du travail.

Étant donné les risques de divergence des observateurs de cette première catégorie lorsque la qualité du modèle cinétique n'est pas suffisante, une seconde catégorie est envisagée, constituée des observateurs utilisant partiellement le modèle cinétique. Dans ce contexte, un nouvelle technique est proposée consistant en un observateur hybride entre le filtre de Kalman étendu (utilisant pleinement le modèle cinétique) et l'observateur asymptotique de Bastin et Dochain (n'utilisant pas du tout le modèle cinétique). Cette structure estime (conjointement avec l'état du système) un degré de confiance en le modèle cinétique. Elle est capable d'évoluer de façon progressive, en fonction de ce degré de confiance, entre les deux solutions extrêmes (filtre de Kalman et observateur asymptotique), tirant ainsi parti des avantages respectifs de ces deux méthodes selon les conditions opératoires et la qualité du modèle cinétique. Ces outils sont validés sur des cultures bactériennes simulées.