Résumé : Les fictions franco-vietnamiennes, qui ont relevé le défi de dépasser le carcan folklorique, offrent un point de vue original sur les concepts de femmes, d’histoire et d’exil dans des contextes de dominations politique et sociale différents. Néanmoins, ces fictions mettent en place des stratégies de résistance très proches. Parmi toutes les questions soulevées par les représentations qu’élaborent ces œuvres, celle de la résistance a été retenue car elle est particulièrement riche et révélatrice de la complexité de leur identité littéraire. Comment s’écrit la résistance dans les œuvres franco-vietnamiennes ? À quoi résistent-elles ? Quels sont les enjeux de cette résistance ? L’étude se focalise sur les fictions de quatre écrivaines franco-vietnamiennes contemporaines, Linda Lê, Kim Lefèvre, Ly Thu Ho et Anna Moï. Ces écrivaines offrent des pistes de réponses à ces questions, en mettant en évidence trois dominations qui se croisent et s’articulent entre elles : la résistance à la domination masculine, à l’histoire surplombante et à la glorification d’une identité nationale figée. Le cadre d’analyse choisi est celui des resistance studies.Cette méthode permet d’engager une description systématique des figures de résistance présentes dans les récits de fiction. Le champ d’investigation pose tout d’abord le problème des représentations de la place des Vietnamiennes, tiraillées entre la société patriarcale teintée de confucianisme et la société française moderne. Elle implique également l’examen des modalités déployées dans les œuvres du corpus pour déjouer les pièges d’une écriture de l’histoire du Vietnam qui accorderait peu de place aux voix subalternes : aux Vietnamiens et en particulier aux femmes. Finalement, à travers l’analyse de l’exil comme forme masquée d’insoumission, nous interrogerons la façon dont le sujet femme-postcoloniale s’approprie les apports exogènes sans renoncer à son éthique et son identité particulières.
Having successfully taken up the challenge of going beyond the limits of folklore, French- Vietnamese fiction offers an original point of view on the ideas of women, history and exile. These elements are staged in different contexts of social and political domination, but they nevertheless set up very similar strategies of resistance. This is why, among all the issues raised by the representations framed by these works, that of resistance was chosen, since it is so rich and revealing of the complexity of their literary identity. How is resistance described in French-Vietnamese works? What is being resisted against? What is at stake in this resistance?This study is focused on the works of four French-Vietnamese contemporary writers: Linda Lê, Kim Lefèvre, Ly Thu Ho and Anna Moï. These female writers provide answers to the questions above by highlighting three correlated and intertwined dominations: resistance to male domination, to overarching history, and to the glorification of a frozen national identity. The framework of the analysis is that of resistance studies.This approach enables a systematic description of the resistance figures encountered in these fictional works. The field of investigation first reveals the issue of the representation of Vietnamese women, torn between a Confucean and patriarchal society and that of modern France. It also implies the study of the means developed in these works to avoid the traps of a writing of Vietnamese history that allows little space to subaltern voices of the Vietnamese, and of women in particular. Finally, through the analysis of exile as a hidden form of insubordination, we will question the way in which French- Vietnamese narrative gives initiative to the postcolonial woman subject and enables her to appropriate contributions from outside without denying her ethics and her identity.