Résumé : Le potentiel d'utilisation des isotopes du Pb-Cu-Zn en sciences environnementales a été évalué, dans le cadre des systèmes fluvio-estuariens de l'Escaut et de la Seine. Ces deux environnements voisins, et pourtant contrastés, comptent parmi les plus contaminés en éléments traces métalliques (ETM) à l'échelle de l'Europe du N-O comparativement à des bassins de tailles analogues. Ils constituent ainsi un cadre d'étude privilégié pour parfaire la compréhension d'un outil classique et puissant de géochimie isotopique tels que les isotopes du plomb, très peu étudiés dans ce type d’environnements, et initier celle d'outils émergents tels que les isotopes du cuivre et du zinc.La présente étude offre la première base de données jamais produite, caractérisant isotopiquement les apports fluviaux particulaires (matières en suspension -MES-) en Pb, Cu et Zn des principaux sous-bassins de l'Escaut et de la Seine. Les moyennes et variabilités associées définies (206Pb/207Pb = 1,15993 ± 0,00184 -2sd- et 1,15697 ± 0,00663 ; 208Pb/207Pb = 2,43737 ± 0,00162 et 2,43691 ± 0,00618 ; d66Zn = +0,223 ± 0,031 et +0,082 ± 0,046 ; d 65Cu = +0,021 ± 0,055 et -0,051 ± 0,086 ; pour l'Escaut et la Seine, respectivement) constituent un élément de comparaison fiable pour les études environnementales à venir. Les bilans massiques calculés à l'interface fleuve – estuaire, comparant la somme des apports en Pb-Cu-Zn allochtones à l'entrée de l'estuaire salin de l'Escaut (station Hemiksem) avec les observations de terrains obtenues pour cette station, ont été couplés à des bilans massiques en carbone organique particulaire et à des bilans isotopiques (i.e. définition des signatures isotopiques par calcul de bilan). Les résultats ont fourni un argument solide en faveur de la qualité « traceurs de sources » des systèmes isotopiques du Pb-Cu-Zn en domaine fluvio-estuarien.Les résultats obtenus, dans les estuaires de l'Escaut et de la Seine, ont permis de confirmer le rôle majeur de l'hydrodynamique (i.e. un mélange binaire entre les eaux marines et fluviales) sur le contrôle des variations de compositions isotopiques en Pb-Cu-Zn enregistrées sur les matériaux sédimentaires. Les données Cu-Zn suggèrent que les processus de fractionnement (a)biotique naturels n'affectent pas significativement les compositions isotopiques en Cu et Zn des MES durant leur transit le long des zones réactives estuariennes.Pour déterminer l'origine des apports d'ETM, plusieurs composantes de sources en Pb-Cu-Zn ont pu être proposées. Les composantes « naturelles », « domestique-urbaines », «industries métallurgiques », «émission de charbons » ont ainsi été identifiées d'après les systèmes isotopiques Pb-Cu-Zn. Une composante additionnelle « pratiques agricoles » (i.e. amendements, pesticides) est supposée d'après les résultats isotopiques Pb-Cu. La pollution en ETM d'origine domestique et urbaine, qui caractérise particulièrement le sous-bassin de la Senne, apparait majeure pour chacun des trois éléments considérés et pour chacun des bassins fluvio-estuariens. Par ailleurs, les systèmes isotopiques couplés du Pb et du Zn mettent en évidence la contribution accrue des émissions liées à l'utilisation des charbons (principalement d’origine domestique) durant les périodes hivernales.La suppression de la source « Pb essence », anciennement très majoritaire sur l'échiquier environnemental, s’est traduite par la valorisation au premier plan des multiples sources de pollution en Pb initialement secondaires, telles que les émissions des industries métallurgiques et charbonneuses, et potentiellement les émissions diffuses liées aux pratiques agricoles. Ce changement récent et majeur pour le cycle environnemental de Pb confère aux isotopes de Pb un intérêt sans précédent en tant que support comparatif pour les systèmes isotopiques de Cu et Zn, notamment. Finalement, la présente étude illustre, dans le cadre d'environnements géochimiques complexes, le potentiel du système isotopique du Pb en tant que puissant traceur de sources, et révèle celui des systèmes du cuivre et du zinc.