Résumé : Depuis toujours, la question de la prise en charge la plus adéquate de l’individu en souffrance a préoccupé chercheurs et cliniciens. Comment obtenir un diagnostic fiable ? Peut-on prévenir le décours d’un trouble ? Quel type d’intervention est le plus adapté pour la personne ? Avec l’évolution des techniques d’imagerie, la discipline s’est ajustée au fil du temps, rendant indispensable une collaboration multidisciplinaire, avec un objectif commun : restaurer un bien-être bio-psycho-social pour l’individu.Nous nous intéressons dans ce manuscrit à une des méthodes d’imagerie en particulier, les potentiels évoqués et la composante P300. Reléguée au second plan au profit d’autres techniques comme l’imagerie fonctionnelle par résonance magnétique ou la magnétoencéphalographie, nous soutenons qu’il est pourtant profitable de renouveler et réinstaurer son usage en routine clinique. En rendant visible l’invisible, en permettant de détecter des dysfonctionnements cérébraux avant qu’ils ne se muent en symptômes cliniques, ils nous offrent en effet une information inédite sur le fonctionnement cérébral, que nulle autre méthode ne fournit, à savoir le décours temporel en direct des opérations mentales suite à une tâche cognitive. Notre proposition vise à améliorer l’application courante de ces potentiels évoqués, malgré un rapport négatif à leur encontre de la part du KCE (Centre d’expertise des soins de santé en Belgique). A travers l’exemple de la dépression sous-clinique, nous testons la sensibilité d’un paradigme oddball audio-visuel, permettant de révéler chez ces individus, une atteinte des processus intégratifs, déficit que l’emploi actuel des potentiels évoqués ne permettait pas de mettre en évidence. Nous insistons également sur une approche « multi-composantes », impliquant de relever des indications sur le fonctionnement cérébral à différents moments du continuum du traitement de l’information (e.g. perceptif, attentionnel, décisionnel), afin d’obtenir une impression globale du fonctionnement cognitif de l’individu.Cette démarche soulève, bien entendu, un certain nombre d’implications expérimentales et cliniques. Au niveau expérimental, un travail doit être fait par la communauté scientifique pour standardiser la méthode d’acquisition, et en ce sens, un « guideline » et des données normatives manquent encore à l’heure actuelle. Explorer la pathologie d’un point de vue psychophysiologique pourrait amener à redéfinir des catégories nosographiques transcendant les traditionnels critères de type DSM. Au niveau clinique, puisque les atteintes sous-cliniques deviennent maintenant détectables, les démarches préventives de la pathologie sont questionnées, à travers la possibilité réelle de déterminer des marqueurs physiologiques potentiels de la maladie mentale, avec les conséquences éthiques que cela comporte. Une réflexion sur l’intervention thérapeutique doit également être entreprise, puisqu’en révélant l’origine cognitive des symptômes de l’individu, un réentrainement personnalisé de ces fonctions cognitives déficientes peut constituer la première étape d’une réhabilitation d’un fonctionnement psycho-social adéquat pour l’individu. En travaillant d’abord sur un changement méthodologique, nous soutenons que les potentiels évoqués méritent à nouveau la place qui leur revient dans la « boite à outils » du clinicien. Pour paraphraser le professeur Guérit, il convient de laisser à l’ouvrier, avec son bagage de connaissances et de compétences, la liberté de choisir les outils qu’il considère les plus appropriés dans son intervention auprès de l’individu en souffrance.