Résumé : Les tiques sont des arthropodes ectoparasites obligatoires qui se nourrissent sur une grande variété de vertébrés sur une large partie du globe. Au cours de leur repas, les tiques sécrètent dans leur salive de nombreux facteurs leur permettant de contourner bon nombre des défenses de l’hôte. Bien que la littérature rapporte beaucoup d’informations au sujet des effets du repas de la tique sur l’hôte, la nature des facteurs actifs exprimés par les glandes salivaires de la tique est peu connue. Au cours d’anciens travaux au sein du laboratoire, le crible de deux banques d’ADN complémentaires - issues de la rétro-transcription des ARN messagers synthétisés par les glandes salivaires de la tique Ixodes ricinus – a permis l’identification de 27 protéines dont l'expression est spécifiquement induite ou régulée positivement pendant le repas sanguin de la tique I. ricinus. Parmi ces protéines, la protéine Seq24, induite au cours du repas sanguin, présente la capacité de moduler les immunités innée et acquise de l’hôte. En conséquence, la protéine Seq24 a été nommée Iris pour « Ixodes ricinus Immunosuppressor ». Au cours de la présente étude, notre but fût de caractériser le rôle d’Iris et de déterminer son importance dans le repas sanguin de la tique I. ricinus.

La protéine Iris appartient à la famille des inhibiteurs de sérine protéases et présente une homologie significative avec l’inhibiteur d’élastase de leucocytes. Une analyse in silico a confirmé qu’Iris présentait la structure des serpines, et notamment le RCL (Reactive Center Loop), boucle responsable de l’activité anti-protéasique. Comme attendu (sur base de l’analyse in silico), Iris inhibe de manière spécifique l’activité de plusieurs sérine protéases, et en particulier l’élastase de leucocyte. Ces tests effectués, nous avons essayé de comprendre quel(s) pouvai(en)t être le(s) rôle(s) d’Iris dans l’accomplissement du repas sanguin de la tique, c’est à dire dans la lutte contre les différents systèmes de défenses de l’hôte.

Tout d’abord, des tests ont démontré la capacité d’Iris à inhiber les mécanismes de l’hémostase. Des tests sur du plasma et du sang complet ont montré qu’Iris allonge le temps de fibrinolyse, la voie intrinsèque de la coagulation et l’adhésion plaquettaire. L’utilisation de mutants a également démontré que si les deux premières activités sont dépendantes du RCL, et donc d’un mode de fonctionnement anti-protéolytique, l’adhésion plaquettaire est indépendante de ce système. Ce résultat met en évidence l’existence d’autres sites actifs, isolés par analyse in silico, nommés Receptor Binding Domain (RBD).

Un travail antérieur du laboratoire avait permis d’indiquer la capacité de la protéine recombinante Iris semi-purifiée à inhiber la production de TNF-a, d’IL-6, et d’IL-8 (cytokines pro-inflammatoires) ainsi que l’IFN-g par des PBMCs (Peripherical Blood Mononuclear Cells) humaines. Ces résultats ont été confirmés avec de la protéine purifiée. Des analyses complémentaires ont démontré qu’un mutant d’Iris - dépourvu d’activité anti-protéasique - conserve l’activité pro-inflammatoire. Là encore, ce mécanisme semble impliquer un ou plusieurs RBD. L’utilisation d’anticorps dirigés contre ces zones a permis de déterminer le domaine d’interaction (aa : 105-120) impliqué dans cette fonction. D’autre part, une analyse par FACS a permis de démontrer qu’Iris interagit uniquement avec les cellules d’origine monocytaire.

Enfin, nous avons également analysé l’importance d’Iris au cours du repas sanguin de la tique par une approche vaccinale. Les résultats observés indiquent que 30 % des tiques nourries sur des lapins immunisés par la protéine rIris ne survivent pas au repas.