Article de presse ou de vulgarisation
Résumé : Les invasions biologiques constituent la seconde cause de perte de biodiversité au niveau mondial, après la destruction et la fragmentation des habitats. Les îles et les montagnes sont particulièrement sensibles à ces phénomènes qui mettent en danger leur flore et leur faune endémiques.Bien que la vulnérabilité de ces écosystèmes insulaires soit connue, à São Tomé, la conscience de la perte de biodiversité encourue en raison de la présence de plantes envahissantes est récente. Jusqu’il y a peu, personne n’avait pris en compte cette problématique dansles plans de développement de l’archipel. Il n’existe d’ailleurs pas de données publiées sur cette thématique et l’expertise locale en la matière est inexistante. De même, les préoccupations environnementales en Afrique centrale sont fortement centrées sur la filière du bois. Au Gabon, par exemple, les plantes envahissantes, bien que très présentes, n’ont pas été prises en compte dans la mise en place des plans de gestion des aires protégées. Pourtant une étude récente a mis en évidence la présence d’environ 80 espèces végétales envahissantes dans le pays. A São Tomé des résultats préliminaires indiquent une forte présence de plantes envahissantes et un grand nombre d’écosystèmes montagnards, que l’on croyait intacts, sont déjà fortement dégradés. De plus, ces plantes sont liées aux milieux ouverts et touchent bien évidemment, en plus des zones montagneuses, les zones agricoles.L’une des caractéristiques majeures de la flore de l’archipel de São Tomé et Principe est son taux d’endémisme élevé (près de 15,5 % d’après Stévart 2003). Des deux îles, São Tomé a le taux d’endémisme le plus élevé. Ceci s’explique par la taille de l’île, son isolement et la diversité des habitats qu’elle présente. L’endémisme concerne également la faune, ainsi on observe un taux d’endémisme de 38 % pour les papillons et supérieur à 30 % pour les oiseaux, ce qui explique les fréquentes visites dans l’île de « bird watchers ». A São Tomé, des espèces introduites se sont dispersées à partir des zones de culture où elles avaient été implantées et deviennent envahissantes. Des inventaires réalisés en 2008-2009 ont permis d’identifier quelques-unes des plantes supposées envahissantes : Cinchona spp. (quinquina), Rubus rosifolius, Tithonia diversifolia, Bambusa sp. Parmi celles-ci, le quinquina est l’une des 100 espèces végétales les plus envahissantes au niveau mondial et son atteinte à la biodiversité des sites envahis est reconnue (ISSG database). Originaire d’Amérique latine, il a été planté à partir du milieu du 19ème siècle pour traiter les cas de malaria dans de nombreuses îles (Galápagos, Hawaii, São Tomé, etc.). Se naturalisant rapidement, le quinquina forme des peuplements denses, empêchant toute régénération naturelle des forêts. A São Tomé, sa présence pose des problèmes liés à la réduction de la biodiversité locale, la perturbation des activités écotouristiques et la dégradation des écosystèmes d’altitude où il s’est préférentiellement établi. Son succès peut s’expliquer par ses modes de reproduction végétative et sexuée, et par son mode de dissémination via le vent. Aux Galápagos il semble être extrêmement difficile à éradiquer. Par ailleurs, on estime qu’environ un tiers de la flore locale est naturalisée, et qu’elle abrite un grand nombre d’espèces potentiellement envahissantes non détectées à ce jour.Le secteur de l’écotourisme est de loin le plus prometteur et a dès lors été défini récemment comme une priorité par l’état Sãotoméen. Même si ce secteur commence à peine à se développer, le gouvernement soutenu par l’Union Européenne via son programme ECOFAC IV, a classé en aire protégée une partie de son territoire (300 km2): les Parcs Naturels de l’Obô de São Tomé et Príncipe. Ces parcs constituent l’une des principales attractions touristiques, tout en protégeant la majorité des écosystèmes les plus riches en espèces endémiques et les mieux conservés.Si des préjudices irrémédiables liés à une perte de biodiversité, y compris au niveau des espèces endémiques, ont probablement déjà été causés par les plantes envahissantes, des actions peuvent encore être menées pour préserver les écosystèmes les plus remarquables. Une évaluation précise de la situation actuelle, une prédiction de l’occupation future, la mise au point de techniques d’éradication et de contrôle des populations, une sensibilisation et une éducation au niveau local permettront de contrôler la perte de la biodiversité dans le Parc National Obô et sa zone tampon, et de préserver ses écosystèmes.