par Devroey, Jean-Pierre
Référence Les Carolingiens dans le bassin mosan autour des palais de Herstal et Jupille (21 février 2014: Herstal)
Publication Non publié, 2014-02-21
Communication à un colloque
Résumé : Alors que la majorité des annales carolingiennes s'en abstient, une tradition cléricale rhénane et alémanique rend compte d'une "grande faim" suivie de mortalité en Francie en 779. L'exposé met en regard ces sources narratives avec les deux capitulaires de Herstal de mars 779. Tandis que le premier reprend l'obligation pour tous de payer la dîme, promulguée en 765, et place sa distribution sous l'autorité de l'évêque (article 7), puis établit l'obligation pour les bénéficiaires de biens d’Église de payer la double dîme sur leurs revenus (article 13), le second stipule une série de mesures religieuses et sociales destinées à conjurer les effets de la faim. Ces liturgies déployées "pour le seigneur roi, l'armée des Francs et la présente tribulation" comprennent des messes, des psaumes et des jeûnes avec possibilité de rachat pour les laïcs. L'assistance inclut la prise en charge d'un à quatre pauvres faméliques jusqu'à la prochaine moisson et une aumône tarifée selon le rang et la fortune, destinée à l'assistance aux pauvres. Ces mesures sont mises en œuvre au travers de la double hiérarchie des supérieurs ecclésiastiques et des comtes et des vassaux royaux. L'année-récolte concernée est celle de 778-9. Le premier capitulaire de mise en ordre de Herstal et les liturgies réconciliatrices répondent aux inquiétudes soulevées dans le royaume des Francs par les premiers revers sérieux auxquels le jeune roi Charles a été confronté en 778: échec de l'expédition d'Espagne suivie du désastre de Roncevaux, rébellion des Saxons qui conduisent un raid à partir de Deutz sur la rive droite du Rhin puis continuent en se retirant leurs destructions dans le Lahngau, difficultés frumentaires peut-être liée au retournement du climat vers une période plus froide et plus humide moins propice aux rendements céréaliers. La tradition narrative rhénane suggère que la crise alimentaire a pu atteindre son paroxysme régionalement, en conjuguant des phénomènes de mauvaises récoltes avec les effets négatifs en matière d'accès à la nourriture entraînés par l'incursion saxonne de 778.