par Ferry, Victor ;Zagarella, Roberta
Référence Usages et fonctions de la rhétorique: regards croisés sur la raison pratique (16-18 mai 2013: Ulb et Académie Royale de Belgique)
Publication Non publié, 2013-05
Communication à un colloque
Résumé : Dans notre communication, il s’agira de réfléchir au rapport entre la faculté de « sentir avec l’autre » (synaisthànesthai) et une des fonctions de la rhétorique : le maintien de la concorde par les discours épidictiques.Dans un premier temps, nous reviendrons sur la définition aristotélicienne de la synesthésie (du grec syn=avec et aisthesis=sensation) comme la capacité de compréhension immédiate des actions et des passions d’autrui, qui se forme dans le vivre ensemble et dans la communication réciproque de discours et de raisonnements (Aristote, EN 1170b 10-14). A partir de cette définition, nous nous interrogerons sur le statut épistémologique de la concorde rhétorique et sur ses conditions nécessaires. Nous soutiendrons que la synesthésie en est une : elle est une structure de base de l’intersubjectivité, un concept clé pour comprendre le rôle de la relation et de la sociabilité de l’homme, une condition de possibilité de l’accord et du langage même.Dans un second temps, nous réfléchirons au rapport entre cette faculté, naturelle, de « sentir avec l’autre », et les discours épidictiques qui ont pour fonction de maintenir, ou de renforcer, l’adhésion aux principes fondateurs d’une communauté (Aristote, Rh. 1358b ; Perelman et Olbrechts-Tyteca 1958 : 62-68). Nous verrons que cette fonction de la rhétorique requiert des techniques permettant de donner un caractère d’évidence à ces principes, le temps d’une fiction rationnelle qui a été décrite par Emmanuelle Danblon avec le concept de « comme si » (Danblon 2001, 2002). En particulier, nous analyserons le rôle que peut jouer l’ekphrasis dans ce dispositif. De façon remarquable, les auteurs de traités de rhétorique antiques insistaient sur l’importance, pour que l’ekphrasis soit réussie, que l’orateur implique les sens de l’auditoire, « comme si » la scène décrite était devant leurs yeux (Webb : 2009). Peut-on y voir une sollicitation, artificielle, de notre faculté naturelle de « sentir avec l’autre » ?