Résumé : Mon mémoire de maîtrise en Langues et Littératures Classiques (UlB) développait plusieurs aspects relatifs aux archers et à leur statut dans la poésie homérique. Le premier portait sur le vocabulaire employé pour décrire l’attirail de l’archer et l’archer lui-même, afin d’identifier le type d’arc employé, sa fabrication et l’expertise qu’en avait l’aède. Dans un second temps, il s’agissait de critiquer le consensus adopté par la grande majorité des scientifiques modernes sur les archers homériques, soutenant que les archers de l’Iliade, groupe minoritaire dans l’armée achéenne, sont considérés comme inférieurs.J’ai pu dresser deux portraits opposés de l’archer homérique en mettant en comparant Teucros, archer de l’armée achéenne, et Pâris-Alexandre, le prince troyen. Teucros est un archer efficace, tuant un nombre impressionnant d’ennemis troyens, et reçoit des félicitations inégalées de la part d’Agamemnon. En revanche, Pâris-Alexandre est présenté dans le récit comme celui qui suscita et fit perdurer le conflit entre Troyens et Achéens en enlevant Hélène. Il a toutefois une identité ambiguë : ses liens avec Apollon font de lui l’archer défenseur par excellence de Troie et le tueur efficace d’Achille ; ses liens avec Aphrodite en font au contraire le responsable actif de la guerre de Troie présentant des rapports privilégiés avec le domaine amoureux, la mètis et l’inefficacité au combat rapproché. La figure de Pâris-Alexandre a en outre des parallèles narratifs indiens – Rāvaṇa, qui enleva Sītā, et Jayadratha, qui enleva Draupadī – en tant que ravisseur d’épouses. C’est sa bassesse morale et son inefficacité en combat rapproché qui auraient tissé le lien entre le tir à l’arc et l’infériorité.Le dernier chapitre portait sur le massacre des prétendants par Ulysse, lors des derniers chants de l’Odyssée. L’épisode est marqué par la présence en filigrane du dieu Apollon et la mention des héros archers prédécesseurs d’Ulysse : Héraclès, Eurytos, et son fils Iphitos. Des allusions sont pour cela présentes : Eurytos organisa jadis un concours à l’arc pour donner sa fille Iole en mariage au vainqueur, Héraclès, qui s’est toutefois vu refuser Iole, et qui tua plus tard Iphitos. Ulysse se transforme, le temps du massacre, en l’héritier de l’archer Héraclès, figure de force brutale. C’est sous l’égide d’Apollon qu’Ulysse réalisa la volonté du dieu punisseur. Enfin, le thème du mariage à concours a trouvé des parallèles probants dans les épopées indiennes, lorsqu’Arjuna gagna la main de Draupadī, et Rāma celle de Sītā.