par Pieret, Julien
Référence Revue de droit pénal et de criminologie, 5, 2011, page (552-576)
Publication Publié, 2011-05
Article révisé par les pairs
Résumé : La Cour européenne des droits de l’homme serait-elle en train de trahir le principe de subsidiarité pénale tel qu’il découlerait de la consécration des droits fondamentaux ? Crûment exprimée, telle est l’interrogation qui agite une partie de la doctrine confrontée à plusieurs arrêts rendus par la Cour, arrêts qui identifient une violation de la Convention dans l’absence ou l’insuffisance d’une réponse pénale adressée, par un État membre, à un comportement portant atteinte à un droit de l’homme. À l’examen, cette inquiétude semble procéder d’une lecture doublement biaisée. Premièrement, si l’on envisage les liens historiquement tissés entre les droits de l’homme et le droit pénal, on s’aperçoit qu’au 18ième siècle, la consécration des droits de l’homme eut moins pour objectif de limiter le droit pénal que de le rationaliser et donc d’en légitimer tant l’usage que le déploiement et ce notamment en vue de réprimer les atteintes à certains droits fondamentaux fraîchement garantis. En d’autres termes, et telle fut la conclusion de la première partie de cette étude, droits fondamentaux et droit pénal s’inscrivent dans un rapport d’interdépendance davantage que dans une relation antagonique. Deuxièmement, si l’on se penche sur les principaux auteurs qui ont forgé notre conception du système pénal et participé à sa rationalisation, on réalise qu’ils sont finalement loin d’avoir posé le principe de subsidiarité du droit pénal. Au contraire, ces auteurs ont tous, à des degrés et selon des référents divers, conclu à l’immarcescible utilité du droit pénal. Autrement dit, et telle fut la conclusion de la deuxième partie de cette étude, la rationalité pénale moderne n’a jamais intégré parmi ses paradigmes le principe de subsidiarité du droit pénal. C’est à l’aune de ces deux mises au point que l’on peut analyser la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme non pas en termes de rupture avec le projet historiquement poursuivi par les droits humains mais bien comme signifiant logiquement son aboutissement contemporain.