Résumé : En étudiant l’intervention de la Ville de Bruxelles dans les matières culturelles au XIXe siècle nous constatons que les dépenses d’équipement que le manque de ressources fiscales propres et le peu d’élasticité des budgets ne permet guère de réaliser ce qui fait pourtant l’objet d’un consensus : la nécessité de fournir à la population les moyens de se cultiver, de se former, voire de créer. Le plus souvent, le domaine culturel est inscrit dans les dépenses extraordinaires, ce qui traduit la volonté des mandataires de pouvoir aisément couper ces budgets. Toutefois, les autorités sont conscientes de l’importance de l’intervention publique dans les processus de légitimation et dans l’agencement de la production culturelle. Non seulement elles sont très attentives à la formation de leurs artistes, mais elles cherchent le plus possible à les faire participer à l’édification de la ville moderne en leur commandant des statues. Cependant, les fêtes dites populaires sont les seules initiatives où la Ville propose un projet culturel conçu à l’intention de l’ensemble de la société. Et encore faut-il nuancer ce propos. Pour l’essentiel ces fêtes sont des juxtapositions d’événements qui s’adressent chacun à une catégorie sociale. Cette incapacité à représenter et à se représenter le peuple contraste avec la place prise par l’étranger dans les discours d’autojustification. En matière culturelle comme dans les autres domaines du politique, les élites libérales bruxelloises du XIXe siècle doivent faire leur écolage. Dans ce travail d’expérimentation, elles sont handicapées d’une part par leur obsession paranoïaque – l’enclavement dans une nation catholique – et par leur vision de l’art. Leur vision romantique de l’artiste incréé est d’autant plus vivace qu’elle participe à l’idéal libéral de liberté. D’un point de vue structurel, donc, on voit que le séculaire pas de deux du prince et de l’artiste n’est que plus complexe quand le prince devient un régime parlementaire.