Résumé : Le sepsis constitue une pathologie fréquente, grevée d’une morbi-mortalité encore élevée. Sa physiopathologie fait notamment intervenir des dysrégulations du système immunitaire inné et adaptatif et des voies de l’apoptose. Ce travail aborde l’expression leucocytaire de deux familles de protéines potentiellement impliquées dans sa physiopathologie : les phosphodiestérases (PDE) et les apolipoprotéines L (apoL). L’étude de l’expression des PDE sous-tend le fait que ces enzymes, qui dégradent les nucléotides cycliques (AMPc et GMPc), sont impliquées dans la modulation de nombreux processus inflammatoires, tant d’origine infectieuse que non-infectieuse. L’expression des PDE après administration de LPS chez l’Homme est cependant mal caractérisée, de même qu’au cours du sepsis. Le présent travail teste l’hypothèse selon laquelle le sepsis, caractérisé par un état de dysrégulation immune complexe, s’accompagne d’une répression de l’expression des PDE au sein des leucocytes circulants, contrairement à ce qui est observé dans des modèles standardisés d’inflammation aiguë (LPS) ; il met également en perspective, dans une démarche observationnelle, l’expression des PDE avec l’expression du complexe HLA-DR, un ensemble protéique permettant la présentation de l’antigène et dont l’expression est partiellement dépendante de l’AMPc. Trois études ont ainsi été menées : étude de l’expression des PDE au cours d’une endotoxinémie chez le volontaire sain (1), et au cours du sepsis au sein de leucocytes totaux circulants (2) ou de sous-populations leucocytaires de l’immunité innée (monocytes CD14+ou granulocytes CD15+) (3). Alors que l’administration intraveineuse de LPS chez le volontaire sain mène à l’induction précoce et transitoire de certaines PDE, de façon similaire aux observations in vitro, les patients septiques présentent au contraire dès leur admission, et jusqu’au 5ème jour, une réduction de l’expression de plusieurs PDE en comparaison aux volontaires sains, tant dans les leucocytes totaux que dans les populations CD14+ et CD15+. L’expression de plusieurs de ces PDE est corrélée aux ratios TNF-α/IL-10 qui sont suggestifs d’un état d’immunodépression, attesté par une réduction significative de l’expression du complexe HLA-DR. L’étude des apoL au cours du sepsis sous-tend quant à elle le fait que cette famille de protéines, qui partage des homologies avec des membres du groupe Bcl-2 impliqué dans l’apoptose, a été associée notamment à l’induction de phénomènes pro-apoptotiques ; or, le sepsis est associé à une apoptose retardée des polynucléaires neutrophiles, un phénomène potentiellement délétère au niveau tissulaire. L’hypothèse d’une répression de l’expression des apoL leucocytaires au cours du sepsis est ainsi posée. Dans le présent travail, une diminution de l’expression des apoL-1, 2, 3 et -6 est observée chez les patients de soins intensifs présentant ou non un sepsis en comparaison à des volontaires sains ; cette réduction, corrélée aux taux de protéine C-réactive, concerne tant les populations leucocytaires totales que les granulocytes CD15+, et intéresse tant les ARNm que l’expression protéique (apoL-6 excepté). Le pourcentage de cellules CD15+ apoptotiques est par ailleurs fortement corrélé aux taux d’ARNm des apoL-1 et -2. Ces observations sont reproduites in vitro en incubant des granulocytes CD15+ de volontaire sain avec du sérum de patients septiques ou non septiques. Ces résultats préliminaires suggèrent ainsi une implication des apoL dans la régulation de l’apoptose des neutrophiles au cours du sepsis.