Résumé : Avec pour point de départ un important corpus de lettres et de textes rédigés entre 1931 et 1980 par 65 patients de l’Institut de psychiatrie Brugmann (Bruxelles), cette étude se propose d’examiner l’expérience de ces hommes et de ces femmes qui ont connu l’hospitalisation psychiatrique au milieu du 20ème siècle et qui, par leur écriture, rendent compte de cette expérience. L’écriture elle-même, en tant que composante de l’expérience du patient mais aussi en tant que pratique quotidienne régentée par l’hôpital, sera l’objet d’un examen attentif. Ce travail se structurera en trois parties : la première partie interrogera les conditions dans lesquelles les patients sont amenés à poser le geste de l’écriture, la deuxième partie se focalisera sur quatre aspects spécifiques de l’expérience des patients (l’Institution, les traitements, la ‘maladie’, la relation aux autres), la troisième partie se concentrera finalement sur l’usage dont il aura été fait, par les psychiatres de Brugmann, des écrits de leurs patients. En outre, cette étude soulèvera l’essentielle question de la communication au sein d’un univers relativement fermé et hiérarchisé. Elle abordera également les thématiques de l’enfermement, de l’intime, de l’autorité, de la folie, et envisagera les différentes formes de savoir développées par les patients. Et tout ça sur toile de fond des grands bouleversements de l’histoire psychiatrique du 20ème siècle (arrivée de la psychopharmacologie, désinstitutionalisation, etc.), bouleversement qui, vus à travers les yeux des patients, prennent souvent un nouveau sens. Dans le sillage de cette histoire sociale de la folie dont l’historien britannique Roy Porter a été le principal instigateur, ce travail a pour ambition de redonner une voix aux particuliers de l’histoire, de rendre toute sa multidimensionnelle richesse à l’évocation historique du trouble mental.