Résumé : Cette thèse a pour objectif de questionner les raisons de la croissance aiguë des occurrences du mot latin “pauper” dans les capitulaires et les canons conciliaires produits à l’époque carolingienne, surtout entre les années 755 et 840. En alliant les outils technologiques de recherche à la masse des données textuelles importantes, disponible grâce à numérisation des sources, nous avons organisé notre étude autour de trois principes: i) la recherche des occurrences et fréquences d’utilisation de “pauper”, tenant en compte les différentes significations à attribuer à ce terme; ii) la nature de la documentation dont le mot apparaît; et iii) le contexte historique englobant les deux points précédents. En somme, la question essentielle est de découvrir ce que phénomène peut nous dire sur la structure social et les systèmes de représentation de la société carolingienne entre les VIIIe et IXe siècles?Plus que chercher pour les “vrais” pauperes – donc notre choix de ne pas traduire ce mot par son correspondant francophone plus proche, “pauvre” –, nous croyons que lacroissance de l’emploi du terme “pauper” dans les capitulaires et textes conciliaires carolingiens n’est pas seulement un témoin statistique de l'appauvrissement du royaume ou des abus seigneuriaux vus à ce moment-là. En effet, ces mesures normatives en rapport aux pauperes s’inscrivent dans deux logiques complémentaires: une est la pratique chrétienne dela caritas, associée dès les débuts du haut Moyen Âge aux évêques mais incorporées auministerium royale par les carolingiens, principalement en forme d’aumône. L’autre c’est la rationalité politique, où la protection des pauperes contre les oppressions des puissants (laïcs et ecclésiastiques) a servi, pour les rois, à l'établissement d’une rhétorique légitimant leur exercice de pouvoir au regard de l’aristocratie, et pour les évêques, à un discours d’autoritésur les propriétés ecclésiastiques (désignées comme “res pauperum”). Ainsi, au-delà des indications exclusivement socio-économiques et religieuses (en suivant une historiographie traditionnel), nous croyons que le sujet du pauper a été, dans les capitulaires et canons conciliaires des années 755-840, aussi une question politique.
In “The pauperes in the carolingian age, 755-840” we intend to investigate what are the reasons for the expressive occurrences increase of the latin word “pauper” in capitularies and council texts produced during VIII and IX centuries. What does pauper mean? Why does it happen in these two normative documentary groups? What could this phenomenon tell us about the Carolingian society? Combining powerful search technologies with a massive amount of data, available thanks to digitalization, we intended to answer these questions beyond the parameters currently accounted by historiography. Rather than seeking for “real” pauperes – hence the option of not translating the termby his usual english counterpart, “poor” – we believe that the growth of the use of the word “pauper” in the Carolingian capitularies and council texts are not just statistical testimonials of kingdom impoverishment or seigneurial abuses. As a result from Carolingian princes and episcopate interests, the use of word “pauper” in capitularies and council texts represents not only a possible socio-economic transformation but also a shift in the political culture at that period, where the concern for pauper protection stood as a significative example.