Résumé : Notre travail s’inscrit dans un projet de recherche dont l’objectif global est de mieux caractériser les modifications moléculaires impliquées dans les cancers thyroïdiens et de déterminer des signatures diagnostiques et pronostiques mais également des cibles moléculaires potentielles pour améliorer leur traitement. Le cancer papillaire thyroïdien (PTC) est le plus fréquent des cancers endocriniens, avec une incidence qui augmente en continu depuis des décennies. Il est de bon pronostic mais peut présenter des récidives et des métastases distantes et lymphatiques qui diminuent les chances de survie des patients. Les nodules thyroïdiens sont fréquents mais seulement 5% sont cancéreux. Cependant, jusqu’à 30% des ponctions de nodules thyroïdiens ne donnent pas de certitude sur le diagnostic. Cela conduit à des opérations qui se révèlent à postériori inutiles chez un nombre conséquent de patients. Les microARNs sont une famille de petits ARNs simple brin (18 à 24 nucléotides) très conservés dans l’évolution et qui régulent de façon négative l’expression génique.Ils agissent de façon post-transcriptionnelle en empêchant la traduction d’ARNm cibles et/ou en provoquant leur dégradation. Cette famille d’ARNs joue un rôle dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques dont la tumorigenèse. Les microARNs ont montré leur implication dans la tumorigenèse thyroïdienne et leur potentielle utilité dans des signatures diagnostiques des cancers thyroïdiens. Néanmoins, aucune étude n’avait encore analysé le transcriptome global des microARNs dans les PTC et leurs métastases ganglionnaires lymphatiques. Dans un premier temps, nous avons montré que la sous-expression de microARNs dans les PTC et dans leurs métastases ganglionnaires lymphatiques est un phénomène tout aussi présent que la surexpression de microARNs qui était déjà connue. De plus, ces microARNs sous-exprimés montrent une expression différentielle entre des tumeurs de sous-types histopathologiques différents et ils montrent une diminution accrue de leur expression dans les tumeurs décrites comme agressives, ce qui semble principalement associé au taux de mutation BRAF V600E, qui est plus élevé dans les tumeurs agressives. Ensuite, nous avons caractérisé in vitro la fonction cellulaire de 3 microARNs très conservés dans l’évolution des espèces, fortement sous-exprimés dans les PTC par rapport aux tissus normaux adjacents mais également sous-exprimés dans les métastases ganglionnaires par rapport aux tumeurs primaires de PTC : miR-7-5p, miR-204-5p et miR-204-3p. Nous avons montré que ces microARNs ont un rôle de suppresseur de tumeur dans les thyrocytes. Le miR-7-5p inhibe la prolifération cellulaire, le miR-204-5p inhibe l’invasion et la migration cellulaires et le miR-204-3p inhibe l’invasion dans des lignées cellulaires thyroïdiennes humaines (TPC-1 et HTori). Le croisement de nos données avec celles de la littérature nous a montré que la diminution de l’expression de nos microARNs d’intérêt semble s’exercer principalement via une réduction de leur transcription suite à des délétions génomiques ou via l’action répressive de facteurs de transcription. Nos données indiquent que ces microARNs pourraient être utilisés comme agents thérapeutiques pour le traitement des PTC. Enfin, nous avons montré que les microARNs sous-exprimés dans les PTC sont d’aussi bons, voire de meilleurs marqueurs moléculaires diagnostiques que les microARNs surexprimés dans ces mêmes tumeurs. En analysant, dans des ponctions nodulaires, l’expression de 5 microARNs surexprimés et 9 microARNs sous-exprimés dans les PTC par rapport aux tissus normaux,nous avons déterminé 2 listes de microARNs qui maximalisent l’efficacité d’une prédiction du statut histopathologique (bénin ou malin) du nodule. Nos données suggèrent que le niveau d’expression du miR-7-5p combiné à ceux d’autres microARNs sur et sous-exprimés pourraient être utilisés dans un futur test diagnostique des nodules malins.