Résumé : Notre thèse se préoccupe d’abord de comprendre de manière générale la notion d’idéologie, ensuite faire une analyse approfondie de l’œuvre de Ricœur dans sa dimension idéologique et situer Ricœur par rapport à d’autres penseurs ou courants qui ont abordé le problème idéologique, enfin montrer la contribution de la pensée de Ricœur au développement des sociétés africaines.

Dans cette dissertation, Ricœur nous présente quelques approches du phénomène idéologique selon les penseurs qu’il a pu étudier. D’après Desttut, l’idéologie désignait l’étude des sciences des idées. Avec Marx, l’idéologie représente les intérêts de la classe dominante. Elle est un phénomène imaginaire, une représentation, un renversement de la réalité et de ce fait, elle s’oppose à la réalité. Pour Mannheim, l’idéologie est un phénomène pour identifier un groupe, un concept paradoxal et non congruent. Chez Althusser, elle se révèle dans l’opposition à la science et lui assigne une fonction politique. Weber la considère comme un moyen de légitimer ou de justifier le pouvoir. Chez Arendt, le totalitarisme comme idéologie avait pour rôle à l’époque du nazisme de nier la liberté humaine et la pluralité d’opinion. Sans doute, pour Habermas, l’idéologie se trouve dans la distorsion qui affecte la praxis ou l’activité de l’individu et dans la médiation symbolique d’action. Geertz pour sa part, voit dans l’idéologie l’intégration sociale et la rhétorique de la communication. Donc, l’on constate que le problème de l’idéologie est manifeste dans les idées, la domination, le paradoxe et la non congruence, la politique, l’intégration, la distorsion, etc.

Mais Ricœur a étudié l’idéologie pour résoudre un problème philosophique de l’imagination, pour l’enseignement ou l’éducation du monde et pour le développement.Toutefois, il ne manque pas, des approches déroutantes au cours desquelles le phénomène idéologique peut être désaltéré. En effet, selon notre auteur, le mot idéologie vient des philosophes français héritiers de Condillac pour qui l’idéologie est l’étude des idées formées par l’esprit humain. Depuis sa création par Desttut, il signifiait la théorie des idées. Il est à la fois le nom d’une école de pensée et celui d’un domaine théorique. C’est Napoléon qui a attribué un sens négatif à ce concept parce que les idéologues critiquaient son pouvoir. C’est Marx qui a employé ce concept pour désigner les idées des philosophes jeunes hégéliens et de tout ce qui résulte de la défection du système hégélien. De ce fait, le concept est élargi à toutes les formes de productions non économiques, comme le droit, l’Etat, l’art, la religion, l’éthique, la philosophie, etc. Mais déjà il semble que le sens péjoratif de l’idéologie se trouve déjà chez E. La Boétie et B. Spinoza dans la servitude et la sujétion d’un peuple. De plus, avec Ricœur, l’idéologie est une forme de rhétorique, de symboles, de croyances, de représentations assurant l’identité d’un groupe. Elle est une grille, un code pour se donner une vue d’ensemble de l’histoire, du monde. Elle véhicule les idées et les opinions. Elle joue la fonction d’intégration sociale et le rôle de médiation dans la société.

Lorsque nous considérons l’approche ricoeurienne du phénomène idéologique par rapport à celles de ses prédécesseurs, il se dégage l’idée que d’un côté, il y a la complémentarité et de l’autre côté non. En effet, le problème de développement de l’Afrique continue à se poser jusqu’à ce jour malgré quelques solutions précaires envisagées par-ci et par-là, la question de développement demeure. A la base, l’Afrique traverse une crise idéologique grave qui la déstabilise, la paralyse sur tous les plans ; crise provoquée par le refus de certaines personnes d’adhérer aux idéologies prêchant la paix, l’amour, le pardon, la réconciliation, la cohabitation ou le vivre-ensemble, la solidarité, la fraternité, etc. qui explique bien entendu la prédominance en Afrique des idéologies des guerres ethniques et tribales, des idéologies des rébellions, des idéologies des terrorismes, des idéologies dictatoriales, des idéologies monopartistes, des idéologies des viols des femmes, des idéologies de la pauvreté et de l’endettement, des idéologies des pillages des richesses naturelles ; crise encouragée par les idéologies préconisant l’opposition, l’affrontement, la poursuite des conflits, la recherche des intérêts égoïstes au détriment du bien commun.

En conséquence, on assiste à des conflits multiformes. Ces conflits caractérisent aujourd’hui toute l’Afrique en général mais en particulier l’Afrique noire. Les presses africaines et étrangères en font écho. En outre, il y a le problème de l’analphabétisme, de chômage et de manque de l’énergie, auquel l’Afrique est confrontée. Mais c’est face à cette situation, que nous avons tenté à la lumière de sa pensée, proposer des jalons de nouvelles approches idéologiques positives capables de soutenir les actions politiques et de développement des sociétés africaines ; pour cela nous avons préconisé l’effondrement des idéologies négatives maintenant l’Afrique dans le sous-développement, de même, nous avons sensibilisé les Africains de prendre conscience de leur situation, en particulier de leurs libertés et droits fondamentaux comme facteurs de développement de l’Afrique mais aussi aidé les Etats africains à prendre en compte le rôle important de ces jalons de nouvelles approches idéologiques positives pour favoriser la paix et la concorde, le dialogue et la cohésion nationale, la réconciliation, le développement multiforme de l’Afrique ; encore faudrait-il la démocratie ou la bonne gouvernance, la cohabitation ou le vivre-ensemble qui privilégieraient un Etat de droit, stable, pacifique avec des institutions justes, gérées par des dirigeants élus démocratiquement et ont de compte à rendre à leur peuple.Ricœur assigne à l’idéologie une fonction positive, c’est pour cette raison qu’elle peut contribuer aux actions politiques et de développement de l’Afrique dans la mesure où l’idéologie a une mission de l’éducation dans le monde entier en raison de son caractère constitutif pour le développement ; elle a un rôle intégrateur ; elle est un concept neutre puisque le terme n’a pas de connotations négatives ; elle englobe les distorsions et les représentations ; elle ne se définit ni en fonction de classe dominante ni en celle de justification ; elle ne s’oppose pas à la réalité, car la réalité n’est autre que l’ensemble des hommes, des êtres matériels et immatériels qui constituent le monde; le soupçon idéologique est remplacé par l’entretien car par ce dernier, on reconnaît les valeurs d’un groupe en les acceptant positivement ; la science peut devenir une idéologie si on prend en compte le raisonnement d’Aristote de l’existence d’un pluralisme scientifique; elle a un caractère paradoxal qui demande l’auto-implication de celui qui parle de l’idéologie ; elle est au service du pouvoir politique. Voilà un peu l’essentiel de notre étude.