Résumé : Depuis quelques années, la référence au « jeu » sous diverses formes, s’est faite très présente au sein d’un milieu associatif où il semble émerger comme une nouvelle modalité de discussion, revendication et production de l’espace public bruxellois. Notre question est dès lors de savoir de quoi le « jeu » est-il le nom ? Quel est le sens que lui donnent les acteurs étudiés ? À quels objectifs répond-il, et dans quel contexte est-il mobilisé – pour autant qu’il y ait une lecture commune possible - ? Pour y répondre, nous avons étudié – dans une démarche qualitative et inductive - quatre cas bruxellois en mobilisant une diversité de matériaux : observations participantes, analyse des productions visuelles et écrites, entretiens… L’ensemble de ces matériaux nous a permis de mettre en évidence une critique généralisée de l’institutionnalisation et de ses effets, à laquelle le jeu permettrait de répondre : comme une source de « légèreté » face à la « lourdeur » des démarches administratives ou des mouvements sociaux de plus en plus professionnalisés ; pour préserver le « plaisir » dans un secteur culturel et associatif cadenassé par les subsides ; comme moyen de démocratiser le geste urbanistique dans un contexte où la « participation » institutionnalisée est de plus en plus considérée comme un leurre ; ou enfin comme un outil de « créativité » face à l’« urbanisme classique » contraint par une multitude de règles et caractérisé par des procédures lentes et fastidieuses.Le jeu est dès lors une occasion de sortir du cadre, l’espace d’un instant, ou de ne pas y entrer, de s’affranchir ou réinventer les règles qui régissent aujourd’hui les manières de s’exprimer sur la ville (participation institutionnalisée) et de la concevoir (planification, réalisation de projets). Mais il est aussi source de tensions et d’ambivalence dans le chef d’acteurs socioculturels, qui, face à la récupération de ces mêmes outils dans les sphères professionnelles, institutionnelles, touristiques ou économiques (« Playable city »), se demandent dans quelle mesure ils ne participent pas à ce qu’ils dénoncent.