par Lefebvre, Pauline
Editeur scientifique Younès, Chris ;Bodart, Céline
Référence Encore l'architecture Encore la philosophie, Hermann, Paris, page (149-159)
Publication Publié, 2016
Partie d'ouvrage collectif
Résumé : Aux États-Unis, au cours des années 1990, un mouvement a émergé en architecture qui a été qualifié de ‘post-critique’. Son point d’orgue est systématiquement attribué à deux articles publiés en 2002. Dans la mesure où leurs auteurs (Somol &Whiting, Speaks) envisagent clairement le renversement de ce qui est appelé ‘architecture critique’, le préfixe ‘post’ semble mérité. Parmi les anthologies qui rendent déjà compte de ce mouvement, celles de Saunders (2007) choisit de le nommer “nouveau pragmatisme architectural”. Alors que le terme est ici utilisé dans son sens commun, une confusion apparait avec la philosophie américaine. La confusion est possible parce que certains avaient proposé d’emprunter à ce pragmatisme philosophique une manière moins duale de traiter du mouvement pro-pratique ou anti-théorique alors à l’œuvre en architecture (Ockman, 2000). Ces tentatives cherchaient à échapper aux déboires de ces différents préfixes discriminants : il ne s’agissait plus de renoncer à toute alliance avec la philosophie mais d’en passer une autre. Elles ont en grande partie échoué puisque le terme ‘pragmatisme’ continuera d’être utilisé sans égard pour sa potentielle teneur philosophique et qu’aucune pensée alternative de l’engagement n’est véritablement envisagée ; la polarisation de part et d’autre du préfixe ‘post’ étant bien trop commode. Pour dépasser cette polarisation, je mobilise ici une proposition qui était faite indépendamment de ce contexte, même si elle y a parfois été reprise : celle de B. Latour lorsqu’il constate aussi que “la critique est à bout de souffle” (2004) et qu’il envisage un renouvèlement de la critique, sans recourir toutefois aux théories critiques. À leur place, B. Latour opte pour un empirisme qu’il emprunte en partie au pragmatisme américain, et inviter à “cultiver une attitude obstinément réaliste”. B. Latour avait déjà invité à nous méfier des préfixes, lorsqu’il proposait de considérer que “nous n’avons jamais été modernes” (1997). Ainsi, peut-être devrions-nous considérer aujourd’hui que “nous n’avons jamais été critiques” afin de nous rendre attentifs aux manières dont les résistances s’organisent en pratique et en situation, plutôt que d’imposer une position de retrait qui n’a jamais été tenable pour une pratique aussi contingente que l’architecture.