Résumé : Après un intermède thématique consacré à la prison, (Prison et droits : visages de la peine), L'IRASCible poursuit ses fouilles archéologiques afin de recueillir les traces des savoirs criminels prisonniers du limon des siècles passés. Parmi les fossiles exhumés dans cette livraison, le plus beau est incontestablement l'édition originale d'un cours que Savigny proposait de dispenser au prince héritier de Prusse, le futur roi Frédéric-Guillaume. Si les lecteurs de L'IRASCible bénéficient désormais du texte inédit, traduit et commenté de ces Kronprinzenvorträge, ils croiseront aussi dans cette livraison les figures marquantes de Grolman et de Mittermaier, ainsi que celles qui contribuèrent, à des degrés divers, à l'édification d'une science européenne du droit criminel. L'approche comparatiste des doctrines pénales permet aussi de poser quelques jalons dans le domaine encore trop peu exploré du patrimoine intellectuel commun à la France et à l'Allemagne. Les contributions apportées au dossier de ce numéro témoignent qu'une même gangue spiritualiste enveloppe les productions doctrinales des deux pays. Les criminalistes français et allemands combattent les représentants - morts ou vifs - de ce qu'on nomme encore, faute de mieux, "l'école philosophique". La critique, parfois virulente, de Beccaria, en est un signe d'autant plus troublant qu'on s'attendait plutôt à la canonisation des thèses de celui qu'on présente aujourd'hui comme le "père du droit pénal moderne". De part et d'autre du Rhin, la science criminelle se construit ainsi sur la base du rejet de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, ont pris soin de dissocier le droit de la morale. Ni Bentham, ni Kant, ni Feuerbach, ni Beccaria, et surtout pas les philosophes matérialistes des Lumières ! Tel aurait pu être le cri de ralliement de ceux qui contribuèrent, en ce premier XIXe siècle, à l'édification d'une science européenne du droit criminel.