Résumé : Une interaction mutualiste peut être définie comme un échange de services, qu’ils soient trophiques ou non, entre individus d’espèces différentes. La myrmécochorie est un mutualisme dans lequel les fourmis récoltent des graines portant un appendice charnu appelé élaïosome (le tout formant une diaspore), les ramènent jusqu’au nid où l’élaïosome est détaché et consommé. La graine, restée intacte, est alors rejetée du nid où elle pourra rester ou être re-dispersée par un autre vecteur avant de germer. Dans ce contexte, le comportement de récolte des fourmis envers les diaspores est décisif pour leur dispersion. Divers traits tels que la morphologie, la composition chimique et la phénologie des graines myrmécochores influencent l’efficacité de leur dispersion par les fourmis. Néanmoins, la disponibilité spatio-temporelle de ces graines est un trait dont l’influence sur le comportement des fourmis reste peu connue.Dans cette thèse, nous nous sommes intéressés à l’influence de la disponibilité spatiale − en termes d’abondance − des diaspores de Chelidonium majus sur leur récolte et leur dispersion par les fourmis Myrmica rubra. Alors que les ouvrières exploitent la totalité d’un petit agrégat de diaspores, seule la moitié d’un large agrégat est exploité. Ceci suggère que la myrmécochorie stricte est efficace pour des plantes produisant peu de graines tandis qu’une libération massive de diaspores nécessite des modes de dispersion complémentaires. Concernant la disponibilité temporelle, des expositions successives à une même espèce de graines (V. odorata ou C. majus) conduisent à une diminution de l’intensité de leur récolte voire à une complète extinction de ce processus dans le cas de V. odorata. En effet, face à ces dernières, l’extinction de la réponse des fourmis persiste pendant au moins deux mois. Elle apparait également plus rapidement que pour les graines de C. majus et concerne toutes les étapes du processus de myrmécochorie puisque un ratio croissant de graines de V. odorata sont rejetées encore pourvues de leur élaiosome. Cette différence dans le comportement de récolte et dans son évolution temporelle ne semble pas liée à un bénéfice différentiel retiré de la consommation des élaïosomes provenant de ces deux espèces de graines myrmécochores. Par ailleurs, les larves semblent jouer un rôle de régulateurs de la récolte des diaspores de V. odorata et donc dans le phénomène d’extinction. L’ensemble des résultats présentés dans cette thèse met en évidence le caractère dynamique de cette interaction plante-fourmis, dont l’issue et la stabilité varie selon l’espèce considérée et la disponibilité spatio-temporelle des diaspores.