Résumé : ette thèse porte sur le génocide des Tutsi dans des communes de la région historique de Bwanacyambwe, et ce afin d’étudier les dynamiques locales, mise en relation avec ses antécédents historiques. A cet effet, elle analyse des aspects idéologiques, sociaux et politiques depuis la veille de l’indépendance du Rwanda en considérant la littérature scientifique générale déjà disponible sur le sujet et la mobilisation des sources d'archives inexploitées ou peu exploitées. Cette thèse est divisée en trois grandes parties. La première partie de cette thèse reconstitue les faits qui ont marqué la transition administrative et politique des institutions rwandaises vers l’indépendance en examinant ce qui s'est passé à l’échelon local et sa suite. En analysant ce processus, j'ai décrypté le discours qui entourait la « commune », ses organes et ses structures en dissocier les slogans politiques de la réalité des faits. De la première à la deuxième république, la « commune » fut le levier du pouvoir central. Sous le régime de Habyarimana, elle devint particulièrement le couloir d'endoctrinement sous la bannière du MRND comme parti-état. Jouissant d'une autonomie juridique, cet appareil administratif local fut indispensable pour galvaniser le peuple autour de la politique de Habyarimana dont la caractéristique primordiale s’avère la désintégration de la nation du Rwanda en ethnies. La seconde partie de ce travail souligne le caractère politique de sélection des acteurs locaux; à savoir, les bourgmestres, leurs collaborateurs et leurs subalternes. Elle présente leurs profils et analyse le degré de leur loyalisme au chef de l’état et à la politique qu'il incarnait. Promus sur base ethnique, ces bourgmestres servirent de relais au gouvernement central pour inculquer la discrimination ethnique à la population. Ces autorités locales se référaient à un cadre législatif, aux décisions politiques et aux pratiques nourries d'une idéologie divisionniste, élaborés au niveau national. Cette politique influença la population qui céda de considérer avec nuances les vocables hutu et tutsi. L'appartenance à l'ethnie hutu devint primordiale et salutaire, tandis que le fait d’être tutsi était assimilé à être condamné. Les archives communales et préfectorales témoignent de cette vision. La dernière partie analyse les problèmes sociaux et politiques qui caractérisèrent les communes de Rubungo et de Gikomero de 1990 à 1994. Le conflit qui opposa le Gouvernement rwandais au Front Patriotique Rwandais révéla que la politique de Habyarimana était ethnique dans son essence. Pourtant, l'on connaît aussi son discours qui prônait l’unité et la paix depuis son arrivée au pouvoir. Pour comprendre ce décalage, j'ai visité les travaux qui ont discuté de l'ambivalence de sa politique qui avançait à pas inégal la carte de l’unité et la discrimination soutenue des Tutsi. En recoupant cette littérature générale aux témoignages écrits et oraux récoltés sur place,on parvient à déceler que les Tutsi ont vécu un semblant de tranquillité pendant plusieurs années avant d’être soumis à l'extermination. Les relations avec leurs voisins étaient tellement fragiles qu'elles pouvaient exploser à n'importe quel moment. Cette dernière partie met en relation trois niveaux ; à savoir les conceptions politiques et les usages d'un régime ethniste, l'importance accordée à l'administration de base pour la mobilisation de la masse et une large participation civile à l’exécution du génocide.