Résumé : La reconnaissance des mots est une étape essentielle dans les processus de lecture. Il est largement admis que le lecteur ne lit pas un mot lettre par lettre mais analyse simultanément des unités plus larges. Une hypothèse récente propose que l’alternance entre consonnes et voyelles permettrait de structurer les mots écrits en unités perceptives. Par ailleurs, plusieurs études rapportent des différences dans le traitement des consonnes et voyelles. Ces études s’appuient sur l’idée qu’il existerait une représentation explicite de la catégorie des lettres (consonne vs. voyelle) mais aucune ne le démontre directement. L’objectif de la thèse était donc de déterminer s’il existe bel et bien une telle représentation. Dans une première partie, nous avons effectué plusieurs expériences dans lesquelles les participants devaient décider si deux lettres avaient la même identité (e.g. Aa) ou pas. Les tâches comprenaient des paires de lettres de même catégorie (e.g., AE) et des paires de catégories différentes (e.g., AC). Nous supposions que, s’il existe un codage explicite de la catégorie, les participants seraient plus lents pour rejeter les paires de type « AE » que les paires de type « AC ». Nous n’avons cependant pas mis en évidence une influence de la catégorie des lettres lors de tels jugements, ce qui suggère que lors du traitement des lettres, le système de reconnaissance visuelle des mots n’a pas accès à une représentation explicite de la catégorie qui serait disponible automatiquement. Une interprétation alternative suggère que la catégorie des lettres ne serait pas représentée de manière explicite mais que les consonnes et les voyelles diffèreraient par leur niveau d’activation. Dans la deuxième partie de cette thèse, nous avons donc voulu déterminer la nature de l’information perceptive à la base des différences entre consonnes et voyelles. Pour ce faire, nous avons mené un ensemble d’expériences avec différentes tâches dans lesquelles le lecteur voyait des pseudo-mots créés soit par le remplacement d’une lettre par une lettre de la même catégorie (e.g., carset pour carnet) soit par le remplacement d’une lettre par une lettre de l’autre catégorie (e.g., cariet pour carnet). S’il existe un codage explicite de la catégorie des lettres, les changements qui ne conservent pas la catégorie de la lettre (e.g., cariet pour carnet) devraient être plus perceptibles que ceux préservant la catégorie de la lettre (e.g., carset pour carnet) et ce, que la lettre remplacée soit une consonne ou une voyelle. Les résultats obtenus ne permettent pas de conclure à l’existence d’une représentation explicite de la catégorie des lettres, mais nous pouvons cependant suggérer que les consonnes et les voyelles auraient des niveaux d’activation différents. Plus précisément, dès le niveau pré-lexical du traitement des mots, les voyelles seraient plus actives que les consonnes. Elles seraient dès lors plus saillantes et traitées plus rapidement. Comme déjà suggéré dans la littérature, il serait donc pertinent d’adapter les modèles théoriques de la reconnaissance des mots, non pas en incluant un niveau de représentation dédié spécifiquement à la catégorie des lettres, mais en modulant le niveau d’activation des lettres en fonction de la catégorie à laquelle elles appartiennent.