Résumé : Les pathologies infectieuses, maladies causées par certains micro-organismes pathogènes parmi les bactéries, les virus, les champignons et les protozoaires, sont à l’origine des taux de mortalité et de morbidité élevés enregistrés surtout dans les pays en voie de développement où la majorité de la population n’a pas les moyens d'accéder aux soins de santé. Les résistances des micro-organismes aux antimicrobiens, observées actuellement dans la pratique médicale moderne, constituent un autre grand problème lié au traitement de ces maladies. Elles constituent l’une des menaces de santé les plus sérieuses et peuvent frapper n’importe qui dans le monde. Face à ces fléaux, il est urgent de découvrir de nouveaux agents antimicrobiens qui pourraient, éventuellement, présenter de nouveaux mécanismes d'action. Une bonne part des plantes utilisées en médecines traditionnelles contiennent des composants antimicrobiens utiles contre les infections et qui peuvent aider dans la lutte contre les maladies infectieuses liées à l’antibiorésistance. C’est dans cette optique que nous avons mené une enquête ethnobotanique sur les plantes médicinales utilisées contre les infections microbiennes en médecine traditionnelle Burundaise. Nous en avons inventorié 155 et sélectionné 5 d'entre elles (Justicia subsessilis Oliv. (Acanthaceae); Platostoma rotundifolium (Briq.) A. J. Paton (Lamiaceae), Virectaria major (Schum.) Verdc. (Rubiaceae), Pavetta ternifolia (Oliv.) Hiern (Rubiaceae), et Stomatanthes africanus (Oliv. & Hiern) R. M. King & H. Rob. (Asteraceae)) pour en étudier la composition phytochimique et les propriétés biologiques. Les extraits de ces plantes ont été évalués notamment pour leurs effets antibactériens direct (bactéricide ou bactériostatique) et indirect (modulation des mécanismes de résistance qui augmente ou restaure l’activité des antibiotiques sur des souches résistantes). Les cinq plantes retenues ont montré une activité antibactérienne, justifiant ainsi leur usage contre les infections microbiennes en médecine traditionnelle Burundaise et, plus particulièrement, l’espèce Platostoma rotundifolium, dont les extraits ont montré des effets antibactériens directs et indirects sur des souches sensibles et résistantes. Les extraits de Platostoma rotundifolium ont également présenté des effets sur l’expression de gènes (lasB et rhlA) impliqués dans le quorum sensing, et sur la formation du biofilm de Pseudomonas aeruginosa PAO1. En vue d’isoler et identifier les molécules responsables de ces différentes activités, l’extrait acétate d’éthyle (le plus actif) de Platostoma rotundifolium a été soumis à un fractionnement bioguidé. Celui-ci a permis d’isoler neuf composés qui ont été identifiés comme étant les acides ursolique, corosolique, tormentique, hyptadiénique, et 2α, 3α, 19β-trihydroxyurs-12-èn-28-oïque (isolé pour la première fois lors de ce travail et auquel nous avons donné le nom d’acide jérémique), le squalène, le cassipourol, le β-sitostérol et l’α-amyrine. Toutes ces molécules sont isolées pour la première fois de Platostoma rotundifolium. Les trois premiers composés ont présenté un effet bactéricide sur les souches bactériennes sensibles et résistantes, tandis que les trois derniers ont montré une action inhibitrice significative de l’expression de gènes (lasB et rhlA) impliqués dans le quorum sensing et de la formation de biofilm de Pseudomonas aeruginosa PAO1. Toutes ces molécules actives peuvent constituer une voie dans la lutte contre les maladies infectieuses et l’antibiorésistance; nous pouvons conclure que les données issues d’une enquête ethnobotanique sur les savoirs et les savoir-faire des guérisseurs traditionnels sont très importantes, surtout lorsqu’elles sont exploitées jusqu’à la détermination des principes actifs responsables d'une activité pharmacologique donnée.
Infectious pathologies are diseases caused by the transmission of some pathogenic microorganisms among bacteria, viruses, fungi and protozoa. They drive the high mortality and morbidity rates recorded especially in developing countries, where the majority of the population cannot afford to access health care. The antimicrobial resistances currently observed in modern medical practice represent another major problem in the treatment of these diseases. These resistances are one of the most serious population health threats and can strike anyone in the world. It has thus become urgent to discover new antimicrobial agents that could possibly have novel mechanisms of action.Many plants used in traditional medicines against infections harbor useful antimicrobial components that can help in the fight against infectious diseases and antibiotic resistances. In this context, we conducted an ethnobotanical survey of medicinal plants used in Burundian traditional medicine to treat microbial infections. We inventoried 155 herbs from which 5 (Justicia subsessilis Oliv. (Acanthaceae); Platostoma rotundifolium (Briq.) A. J. Paton (Lamiaceae), Virectaria major (Schum.) Verdc. (Rubiaceae), Pavetta ternifolia (Oliv.) Hiern (Rubiaceae), and Stomatanthes africanus (Oliv. & Hiern) R. M. King & H. Rob. (Asteraceae) were selected for phytochemical screening and biological assays. The extracts of these plants were evaluated for their antibacterial effects, direct (bacteriostatic or bactericidal) and indirect (inhibition of resistance mechanisms by increasing or restoring the activity of antibiotics against resistant strains). All the selected plants species have shown antibacterial activity, justifying their use against microbial infections in Burundian traditional medicine, and more particularly Platostoma rotundifolium, whose extracts showed direct and indirect antibacterial effects on susceptible and resistant (MRSA) strains. The extracts from Platostoma rotundifolium also presented inhibitory effects on the expression of genes involved in quorum sensing, lasB and rhlA, as well as on biofilm formation by Pseudomonas aeruginosa PAO1.In order to isolate and identify the molecules responsible for these activities, the ethyl acetate extract (most active) from Platostoma rotundifolium was submitted to bioguided fractionation. This led to the isolation of nine compounds that were identified as ursolic acid, corosolic acid, tormentic acid, hyptadienic acid and 2α, 3α, 19β-trihydroxyurs-12-en-28-oic acid (isolated for the first time during this work and that was named jeremic acid), squalene, cassipourol, β-sitosterol and α-amyrin. All these molecules were isolated for the first time from Platostoma rotundifolium. The first three compounds showed a bactericidal effect on sensitive and resistant strains of bacteria, while the last three showed significant inhibitory effects on the expression of two QS genes (lasB and rhlA), and on biofilm formation by Pseudomonas aeruginosa PAO1. All these active molecules can be a lead in the fight against antibiotic resistance; and we can conclude that the data from an ethnobotanical survey of the knowledge and skills of traditional healers are very important, especially when they are exploited until the determination of the active ingredients responsible for a specific pharmacological activity.