Thèse de doctorat
Résumé : La littérature qui s'écrit tout au long des Temps modernes en langue latine a fait l'objet de nombreuses études. On ignore en revanche souvent que de nombreux auteurs ont poursuivi la tradition au XIXe siècle - pour ne pas parler des siècles ultérieurs. En prenant pour objet l'oeuvre foisonnante du poète et philologue Jean Dominique Fuss (1781-1860), le présent travail entend montrer la continuité qui relie le XIXe siècle aux siècles qui l'ont précédé et discute la question de sa "modernité". La Belgique et l'Allemagne font l'objet d'un examen approfondi. S'il ne fait pas de doute que le latin se trouve alors dans une phase de déclin, on aurait tort de croire qu'il a disparu du monde social, sinon comme matière d'enseignement. Il demeure, dans l'Église catholique, la langue de la liturgie et des sacrements, il est utilisé par les Habsbourg dans leurs relations diplomatiques, il continue quelque temps d'être une langue scientifique, des Académiciens belges l'envisagent comme option sérieuse pour rédiger des inscriptions monumentales ou une pharmacopée, il sert, en société, d'instrument de distinction, et de nombreux écrivains en font encore usage dans des contextes non scolaires. Si J. D. Fuss est un "Ancien" parmi les "Modernes", il faut donc admettre qu'il est loin d'être "perdu" dans son temps. Par ailleurs, s'il est un "Ancien", ce n'est nullement dans le sens d'un "rétrograde". Il faut redonner à ce terme toute l'épaisseur qu'il possède dans la fameuse "Querelle des Anciens et des Modernes". L'Ancien est celui qui, tout en se référant à des modèles antiques, veut être de son temps tout en se montrant critique. Autrement dit, c'est à travers le rapport à l'Antiquité qu'il définit sa modernité. J. D. Fuss affiche indéniablement des traits conservateurs : il rejette les innovations de l'esthétique allemande pour réaffirmer les droits d'une poétique plus traditionnelle, fondée sur la sensibilité plutôt que sur des raisonnements philosophiques, et souhaite s'adresser avant tout aux savants, en un temps où la littérature cherche de plus en plus à toucher les masses. En revanche, il veut imprimer à ses textes un caractère résolument "moderne". Il soutient que l'on peut non seulement écrire correctement et élégamment, mais aussi innover, dans une langue qui n'est plus la langue maternelle de personne. S'il le démontre timidement dans ses textes d'inspiration personnelle, c'est paradoxalement dans ses traductions latines de textes en langues modernes qu'il déploie le plus d'audace. La traduction s'avère le laboratoire dans lequel l'écrivain met à l'épreuve sa langue d'écriture pour donner à voir ses potentialités.