Résumé : La majorité des infections par le VIH de l’enfant sont acquises par transmission de la mère à l’enfant en période périnatale. Le fait que le système immunitaire des nourrissons soit « immature » par certains aspects et le fait que le virus transmis ait déjà échappé au contrôle de l’environnement immunitaire maternel, génétiquement proche de celui de l’enfant, sont probablement responsables du risque important que l’évolution naturelle soit extrêmement rapide lorsque l’infection est acquise en tout début de vie. En l’absence d’un traitement antirétroviral, la réplication virale va en effet se maintenir à un niveau très élevé pendant les premières années de vie chez tous les enfants et jusque 25% d’entre eux vont évoluer jusqu’au stade SIDA ou le décès durant leur 1ère année de vie. L'utilisation des traitements antirétroviraux puissants actuellement disponibles permet de réduire drastiquement la réplication virale et a profondément modifié le pronostic de l’infection par le VIH. D’une infection inéluctablement fatale, elle est devenue une affection chronique peu ou pas évolutive pour autant que le traitement antirétroviral soit pris de façon ininterrompue. Dans ce travail, nous présentons les résultats d’une étude prospective qui incluait les patients chez qui un traitement antirétroviral efficace était débuté pour la première fois. Nous avons pu démontrer que le nombre de lymphocytes CD4+ naïfs était d’autant plus rapidement reconstitué après l’initiation d’un traitement antiviral que celui-ci avait été débuté jeune. Non seulement les patients restauraient leurs nombres de cellules CD4+, et leurs cellules CD4+ naïves en particulier, mais des tests plus fonctionnels des lymphocytes (réponses lymphoprolifératives aux mitogènes) montraient également une nette amélioration sous traitement antirétroviral. Malgré cela, certaines anomalies, et en particulier l’activation des lymphocytes CD8+ persistaient après un an de traitement.Dans une étude cross-sectionnelle ayant inclus 46 patients, nous avons ensuite démontré qu’un traitement antirétroviral de longue durée débuté lorsque l’immunodépression est déjà sévère permet de récupérer des réponses lymphoprolifératives semblable à celles des progresseurs lents, y compris contre un antigène spécifique du VIH ce qui n’est généralement pas le cas chez les adultes. Toutefois, des altérations dans la sécrétion des cytokines en réponse à un mitogène (la phytohémagglutinine) persistent, et la sécrétion de cytokines après stimulation par un antigène spécifique du VIH est biaisée vers une réponse de type Th2, montrant encore une fois que si les capacités d’immunorestauration des enfants sont très importantes, des anomalies immunitaires persistent même après un traitement de longue durée lorsque le traitement est débuté à un stade avancé dans l’évolution de la maladie.Dans le contexte de l’absence d'espoir d'atteindre l'éradication du virus par la seule utilisation des drogues antirétrovirales, la caractérisation du phénotype des patients « non progresseurs » prend tout son sens. Nous avons donc axé notre travail suivant sur la caractérisation des patients chez qui la maladie progresse lentement et qui gardent une réplication virale basse sans prendre de traitement antirétroviral. Ces patients ont une faible activation et une faible différentiation de leurs lymphocytes CD4+ et un profil particulier de réponses CD4 vis-à-vis de la protéine Gag du VIH.Enfin, la dernière partie du travail décrit les bénéfices de ces traitements lorsqu’ils sont administrés très précocement (dans les 2 mois après la naissance) et le devenir à long terme de ces enfants en se basant sur la cohorte suivie au sein du CHU Saint-Pierre. L’histoire naturelle de l’infection par le VIH de l’enfant contaminé par sa mère est en effet caractérisée par une évolution bi-modale. Trois quarts des enfants infectés vont avoir une évolution comparable aux patients infectés à l’âge adultes, mais le dernier quart aura une évolution beaucoup plus rapide menant au développement d’une affection classant l’enfant au stade SIDA ou au décès dans la première année de vie. De plus, à cet âge, il y a un large recouvrement entre les valeurs des taux de lymphocytes CD4+ des enfants qui vont évoluer rapidement ou plus lentement. Nous avons participé activement à la démonstration qu’un traitement antirétroviral très précoce est très bien supporté par les nourrissons, est capable d’empêcher la réplication virale de façon durable et réduit la quantité de DNA proviral intracellulaire prévenant de ce fait les manifestations cliniques ou biologiques de l’infection. Alors que les adultes infectés par le VIH expriment quasi toujours des anticorps contre le VIH, même lorsqu’ils sont traités très précocement par une trithérapie, les enfants traités précocement deviennent souvent séronégatifs. Ils perdent les anticorps spécifiques contre le VIH transmis durant la grossesse mais n’en sécrètent pas par la suite, alors qu’ils peuvent les synthétiser dès que le traitement antirétroviral est interrompu. Ces patients traités très précocement ont un profil particulier caractérisé par un système immunitaire non altéré par l’infection par le VIH mais aussi par l’absence de défenses spécifiques contre ce virus et un réservoir viral très faible.