Résumé : Dans l’ensemble des pays occidentaux, les années 70 peuvent être considérées comme une période de changements sociaux, économiques et politiques importants, liés à ce qui est communément appelé « crise de l’Etat social » ou « crise de l’Etat providence ». Dans le cadre de ces transformations, la justice pénale a été confrontée - tout comme d’autres institutions sociales - à d’importants enjeux organisationnels, financiers, politiques et philosophiques. Cette période de bouleversements a notamment donné lieu à l’apparition de concepts et de pratiques liés à la réparation, la compensation, la médiation et la réconciliation entre victimes et délinquants, progressivement intégrés sous le vocable de « restorative justice » (JR). Si l’émergence de la JR provient, selon certains, avant tout de la mise en œuvre de nouvelles pratiques comme la médiation, ces expériences ont rapidement attiré l’intérêt de certains théoriciens en raison de leur potentiel à conduire à un nécessaire changement de paradigme pour la justice pénale. La JR a, entre autres, souvent été présentée comme une alternative à la justice rétributive et réhabilitative, considérées toutes deux comme insuffisantes à rencontrer les besoins d’interventions intégratives de la société. Face à l’engouement particulier dont a fait preuve la JR en Belgique, qui se caractérise par un nombre très importants de discours et de pratiques de JR, et au regard de constats remettant en cause la possibilité d’un changement de paradigme pour la justice pénale face notamment aux autres évolutions pénales, l’objectif principal de notre recherche vise à comprendre la manière dont on a pu être amené à « penser », « normer » et « pratiquer » la JR en Belgique. Il consiste aussi à mieux appréhender la nature, la place, le rôle et les effets des discours et pratiques de JR dans le champ de la régulation pénale et sociale aujourd’hui. Les questions qui animent notre travail sont donc les suivantes : Au-delà des intentions de certains de ses premiers promoteurs, la JR a-t-elle, en Belgique, permis le changement de paradigme que ces agents lui ont assigné ? Et sinon, de quelles logiques plus larges participe-t-elle ? Quels ont été les dynamiques et les enjeux qui ont freiné ou favorisé l’ambition initiale de ses promoteurs ?