Résumé : L’homéostasie du glucose est un processus complexe qui a accumulé au cours de l’évolution un grand nombre de boucles de rétrocontrôle interdépendantes. La glycémie physiologique est le produit de cette évolution car elle associe haute entropie (comportement d’allure chaotique) et invariance d’échelle, deux caractéristiques d’une régulation complexe. A l’inverse, les profils de sujets diabétiques de type 1 (DT1) montrent une faible entropie et une perte de l’invariance d’échelle, signes d’une décomplexification. D’une manière générale, nous avons montré que le degré de complexité mesuré par la Sample Entropy (SpEn) est inversement corrélé à la variabilité glycémique, tant chez les sujets sains que DT1. De plus, chez nos sujets sains, la SpEn – et non la variabilité – était négativement corrélée à la résistance à l’insuline estimée par le BMI, le HOMA-IR et le QUICKI, appuyant ainsi l’hypothèse que la décomplexification est un signe précoce de défaillance de la régulation glycémique. En traitant leurs enregistrements du glucose en continu (CGM) par différents filtres basses fréquences, nous avons démontré que la réduction de SpEn associée à la résistance à l’insuline est liée à un appauvrissement des fluctuations glycémiques rapides, cette propriété étant conservée chez les sujets DT1 dont la SpEn garde une corrélation inverse avec le BMI.Nous avons ensuite poursuivi notre étude de la variabilité glycémique chez les patients DT1 en utilisant le diagramme de Poincaré (PCP), une méthode de représentation visuelle des processus dynamiques. Après en avoir validé sa métrique (SD1 et SD2) en montrant sa corrélation avec des indices de variabilité glycémique connus, nous avons introduit un nouveau paramètre issu de la géométrie du PCP : le Shape of Fitting Ellipse (SFE). Nous avons alors montré que le SFE était inversement corrélé aux épisodes hypoglycémiques d’une manière indépendante et complémentaire du LBGI, un marqueur de risque validé de la survenue des hypoglycémies. A l’aide du PCP, nous avons aussi pu montrer que la variabilité glycémique est réduite chez les patients DT1 convertis à la pompe à insuline et que cette réduction concerne à la fois les profils diurnes et nocturnes. Enfin, chez nos patients DT1, nous avons identifié le LBGI comme facteur pronostic indépendant de la fréquence des épisodes hypoglycémiques 6 mois après la mise sous pompe à insuline. Le LBGI a aussi permis d’identifier deux sous-groupes de pronostics inverses : les patients appartenant au 3ème tertile de LBGI ont bénéficié d’une réduction maximale des hypoglycémies, alors que ceux du 1er tertile ont vu la fréquence des hypoglycémies augmenter mais au profit d’une meilleure réduction de la moyenne glycémique. Ces évolutions en miroir peuvent expliquer les résultats contradictoires actuels de la littérature concernant le devenir des hypoglycémies sous pompe.En conclusion, nous avons montré que la décomplexification des profils glycémiques est un marqueur précoce de la défaillance de l’homéostasie du glucose chez les individus non diabétiques. A l’autre extrême, le DT1 est un modèle de dysrégulation du glucose à haute variabilité mais à basse entropie (et donc moins chaotique). Dans ce contexte, nous avons développé un nouveau marqueur de risque d’hypoglycémie (le SFE) et montré que le LBGI prédit l’évolution des épisodes hypoglycémiques des patients DT1 mis sous pompe à insuline.