Résumé : Les circuits neuronaux des noyaux de la base sont impliqués dans la planification et la sélection des mouvements, dans des processus motivationnels et de renforcement, mais aussi dans des fonctions plus cognitives telles que les processus d’apprentissages instrumentaux. Le dysfonctionnement de ces noyaux entraîne des troubles moteurs graves, telles les maladies de Parkinson et Huntington, et des pathologies plus psychiatriques, comme les phénomènes de dépendances aux drogues, le syndrome Gilles de la Tourette ou encore les troubles déficitaires de l’attention avec hyperactivité. Le striatum, structure d’entrée du système des noyaux de la base, est composé en large majorité de neurones de projections GABAergiques épineux de taille moyenne (medium spiny neuron, MSN), qui sont subdivisés en deux populations: les neurones striatonigraux et les neurones striatopallidaux. Ces neurones forment des voies fonctionnelles parallèles et distinctes : celles ci prennent naissance au niveau du striatum après réception de l’information émanant du cortex, puis traversent les autres ganglions de la base (Globus Pallidus, Noyau sous-thalamique, Substance noire), qui ensuite aboutissent sur le thalamus qui retourne l’information traitée aux différentes aires corticales concernées. Ces neurones de projections sont morphologiquement identiques et distribués de manière homogène dans l’ensemble du striatum, rendant difficile leur étude spécifique sans outils génétiques.Dans ce travail, nous avons étudié les rôles respectifs de ces deux populations neuronales dans l’apprentissage instrumental séquentiel par une approche optogénétique. Cette technique permet de contrôler optiquement, à une échelle de temps physiologique et de façon réversible, l’activité d’une population de neurones génétiquement ciblée pendant un comportement. Dans un premier temps, nous avons développé des modèles de souris dans lesquelles chacune de ces deux populations est spécifiquement ciblée au moyen du système Cre/LoxP et à l’aide d’injection stéréotaxique de vecteurs viraux permettant l’expression de canaux photosensibles, comme la Channelrhodopsine-2 (ChR2). Une validation de la fonctionnalité de cette protéine dans ces modèles a d’abord été établie ex vivo par des moyens électrophysiologiques (enregistrement de l’activité des neurones sur tranche de cerveau en survie), puis in vivo, par induction d’un comportement rotatoire caractéristique de l’activation unilatérale de ces populations neuronales.Dans un second temps, ces souris ont été étudiées dans un paradigme comportemental lié au striatum dorsal : l’apprentissage instrumental séquentiel. En effet, l’exécution d’une séquence d’actions dans un ordre bien déterminé est fondamentale pour adopter un comportement adapté. Au cours de l’acquisition d’une nouvelle séquence, chacune de ces deux populations de neurones est activée par optogénétique afin de déterminer leur effet dans cet apprentissage. Nous nous sommes particulièrement intéressés à ces neurones dans le striatum dorsolatéral (DLS), car cette région joue un rôle fondamental dans la formation d’une habitude, et plus particulièrement lors d’un apprentissage séquentiel. Ce travail a pu mettre en évidence l’importante implication respective de ces neurones du DLS lors de l’acquisition d’une séquence puisque nous avons montré que l’activation des neurones striatonigraux facilitait l’apprentissage d’une nouvelle séquence, alors que l’activation des neurones striatopallidaux perturbe cet apprentissage. De plus, nos résultats indiquent que la stimulation optogénétique des neurones striatopallidaux entraîne un déficit à différencier et à associer des actions pour former une unité performante, tandis que l’activation des neurones striatonigraux semble fondamentale pour initier et terminer correctement une séquence. Ces résultats contribuent ainsi à la compréhension du rôle des deux voies principales du striatum dorsolatéral lors d’un apprentissage instrumental séquentiel.