par Zamora Vargas, Daniel
Référence Penser l’émancipation (22 février 2014: Université Paris Ouest Nanterre)
Publication Non publié, 2014-02-22
Communication à un colloque
Résumé : Partout en Europe, les « surnuméraires » sont l’objet de réformes d’austérité. Ces réformes, inspirées aujourd’hui par les réformes Allemandes « Hartz » ont pour avantage de déstabiliser l’ensemble du salariat tout en s’attaquant à une de ces factions. Ne se limitant pas à la modération salariale, le modèle allemand a donc concentré son action sur les « surnuméraires » (chômeurs, pauvres,…) et non sur les salariés « stables ». Une question se pose alors pour les pays appliquant ces réformes: comment expliquer la faible mobilisation des syndicats ou des factions « actives » du salariat lorsqu’il s’agit d’enjeux touchant d’abord les « non-actifs » ? Pour y répondre, nous reviendrons sur la dualisation du salariat qui s’est produite entre les « actifs » et les « non-actifs » sous l’effet de l’explosion du chômage depuis les années 70. Cette évolution a profondément modifié ce qui fondait la vision populaire du monde, cette division « eux » (les patrons)/« nous » (les ouvriers), si bien étudiée par Richard Hoggart. La déstructuration des environnements populaires a alors considérablement déstabilisé cette solidarité en rajoutant un « eux » en dessous de « nous ». Une partie des couches populaires ayant alors le sentiment que les « eux » d’en haut ne font rien contre les abus des « eux » d’en bas. Cette situation constitue un enjeu fondamental pour la gauche radicale contemporaine tant sur le plan pratique que théorique. Au sens théorique, cela veut dire rompre avec la tendance qui a substitué la problématique de « l’exclusion » à centralité de la question ouvrière dans la période d’après-guerre. Séparée de l’emploi, la catégorie des « exclus », « pauvres », « précaires », ne renvoie alors plus à la notion d’exploitation économique, mais aux situations de privation relative, en termes monétaires, sociaux ou psychologiques. Il est à ce titre nous reviendrons sur comment Marx posait le problème à son époque. Au plan pratique, force est de constater que les organisations de défense des chômeurs et des pauvres saisissent trop souvent ces problèmes indépendamment du monde du travail. Ce désintérêt, voire cette hostilité, d’une partie de la classe ouvrière à l’égard des « assistés » est devenu l’un des enjeux centraux des futurs mouvements sociaux contre l’austérité. La capacité qu’auront les organisations politiques et syndicales à sensibiliser et lier les enjeux des « surnuméraires » à ceux de la classe ouvrière « stable » déterminera en grande partie la réussite des luttes à venir.