Résumé : L’objectif de ce travail est de contribuer à la réflexion méthodologique autour du problème de l’identification des traces de feu contrôlé sur les sites paléolithiques. L’étude se focalise plus particulièrement sur la question des gisements « mal documentés », c’est-à-dire les gisements pour lesquels les données de terrain, et en particulier les données contextuelles (données spatiales, contexte géologique et archéologique), sont imprécises, partielles ou totalement absentes. Une approche méthodologique adaptée aux spécificités des gisements « mal documentés » est d’abord définie à partir d’un état de l’art des méthodes analytiques et des modèles interprétatifs utilisés pour l’identification et la caractérisation des témoins de combustion. Deux cas représentatifs sont ensuite traités : la collection Dupont du Trou Magrite (Pont-à-Lesse, Province de Namur) qui constitue un exemple représentatif de gisements fouillés à la fin du 19e ou au début du 20e siècle et le Tiène des Maulins (Rochefort, Province de Namur) qui permet d’aborder les problèmes spécifiques liés à la révision de données issues de fouilles récentes. Pour le Trou Magrite, l’analyse s’appuie sur un référentiel des différents types de traces caractéristiques de l’altération thermique du silex et de l’os établi à partir d’une synthèse bibliographique et de l’examen de corpus expérimentaux (collection d’ossements brûlés du CEPAM, collection de silex brûlés de M. Horevoets et collection d’os brûlés issus d’expérimentations effectuées dans le cadre de cette thèse) et archéologiques (issus de plusieurs gisements : Scladina, Trou Magrite, Trou du Diable et Trou de l’Abîme). Même si le degré de résolution visé par l’analyse a dû être adapté en fonction de la documentation disponible, cette étude montre qu’il est possible de déterminer l’existence de feu anthropogénique dans un site anciennement fouillé pour lequel presque aucune donnée stratigraphique fiable n’a été enregistrée. L’analyse critique des données de terrains et des résultats des analyses physiques et géochimiques (thermoluminescence, diffraction et fluorescence des rayons X, analyses thermiques simultanées, MEB + EDS, lames minces) réalisées sur les structures de combustion supposées du Tiène des Maulins met quant à elle en lumière deux problèmes importants : la difficulté de déterminer l’origine anthropique d’une structure dans le cadre d’une démarche de révision, d’une part, et la complexité de l’interprétation des données de laboratoire, d’autre part. Si ces deux études de cas illustrent bien les difficultés posées par les lacunes dans les données contextuelles, elles démontrent également qu’une révision critique des données peut permettre de proposer une nouvelle interprétation des traces de feu avec un degré de confiance relativement élevé.