Résumé : Cette thèse concerne la morbidité maternelle de l’accouchement et du post-partum. Elle cherche à mieux comprendre le phénomène en mesurant son ampleur, identifiant ses déterminants. Cette thèse a cherché également à explorer les conséquences de la morbidité maternelle sévère (near miss) lors de l’accouchement et dans le post-partum. Ceci, afin de contribuer à l’amélioration de la prise en charge de la mère et de son nouveau-né.Notre cadre d’analyse s’est appuyé sur deux modèles conceptuels complémentaires. le premier modèle utilisé est celui de Geller et al (2002) qui montre la progression de l’état de santé des femmes tout au long du continuum de la grossesse et le degré d’évolution des complications; celles-ci pouvant éventuellement survenir en post-partum (Geller et al 2002). Le deuxième modèle est celui de Graham et al (2006), qui montre l’importance de décrire les différents facteurs influençant l’évolution de la santé de la femme pendant la grossesse, l’accouchement et en post-partum; à savoir les facteurs liés à l’environnement de la femme et ceux en rapport avec le système de santé. Les résultats de notre recherche sont structurés comme suit:La première étude a défini l’ampleur et les catégories de la morbidité en post-partum. Elle en a également comparé la perception par les femmes et celle diagnostiquée par le médecin. Pour faire aboutir notre démarche, nous avons mené une étude descriptive transversale dans le quartier Al Massira de Marrakech pendant une année (en 2011). Nous avons combiné un examen clinique et un examen de laboratoire (NFS, hémoglobine) à un questionnaire administré au 42ème jour après l’accouchement adressé à 1 210 femmes ayant réalisé une consultation du post-partum. Lors de cette consultation, 44% des femmes ont exprimé au moins une plainte. Concernant les problèmes gynécologiques (20%), les problèmes de santé mentale (10%), des hémorroïdes; et les problèmes mammaires représentant respectivement 6% et 5% des femmes. Lors de cette même consultation, selon le diagnostic du médecin, 60% des femmes ont eu un problème de santé. Les diagnostics les plus fréquents portaient sur des problèmes d’ordre gynécologique (22%), d’anémie confirmée en laboratoire (19%), alors que les problèmes liés à la santé mentale ne se sont retrouvés que chez 5% des femmes. L’analyse comparative de la morbidité ressentie et diagnostiquée met par conséquent en avant une divergence entre les plaintes exprimées par les femmes à la consultation du post-partum et la morbidité clinique établie par le médecin. La deuxième étude, a identifié les déterminants d’apparition des cas de near miss. c’est une étude cas-témoins mixte (quantitative et qualitative), dans les deux districts (Marrakech et Al Haouz) du 1er février au 31 juillet 2012. Nous avons inclus dans notre échantillon tous les cas de near miss maternels (80 cas) détectés durant la période de l’étude. Pour les témoins (219 femmes), nous avons sélectionné les parturientes qui ont eu des complications similaires à celles des near miss, sans pour autant arriver à être un épisode near miss. Pour le volet qualitatif, nous avons pris un échantillon de 30 near miss maternels et 30 témoins, avec lesquels nous avons conduit des entretiens approfondis pour retracer leurs itinéraires de prise en charge. L'incidence des near miss maternels était de 12 ‰ accouchements en intra hospitalier. Les troubles hypertensifs (45%) et l’hémorragie sévère (39%) étaient les catégories de causes directes les plus fréquentes des near miss. Les facteurs de risque des épisodes de near miss étaient le faible niveau d’instruction, le non suivi pendant la grossesse et le fait d’avoir eu des complications pendant celle-ci. Concernant les délais de prise en charge, on constate que les femmes ayant accusé un retard de plus de 24 heures avant de se présenter au prestataire de soins ont eu un risque huit fois plus élevé de développer un épisode de near miss. De même, les femmes ayant attendu plus de 60 minutes au niveau des structures de premiers niveaux ont présenté un risque quatre fois plus important de développer un épisode de near miss. Les principales raisons d’être near miss pour le premier délai à la maison étaient le manque de pouvoir décisionnel des femmes, le manque d’argent, et la peur des établissements de santé. Concernant le retard auprès des structures du premier niveau, la majorité des femmes near miss ont rapporté des raisons liées aux nombreuses références successives et sans explication. Elles ont également fait allusion aux comportements peu accueillants des prestataires de soins.La 3ème étude, avait comme objectif de comprendre l’état de santé physique et mentale des femmes near miss à 8 mois en post-partum. Dans ce sens nous avons réalisé une étude en utilisant une cohorte prospective avec des méthodes mixtes (quantitative et qualitative). Nous avons recruté 80 femmes near miss et 188 femmes ayant un accouchement normal au niveau des trois hôpitaux de référence de Marrakech et d’A Haouz. Un échantillon de 20 cas near miss et de 20 cas de femmes ayant eu un accouchement normal a été sélectionné pour entretiens approfondis. À la consultation de 8 mois en post-partum, 76 cas des near miss et 169 femmes ayant eu un accouchement normal ont eu la consultation médicale. Les femmes near miss étaient plus pauvres et moins instruites que les femmes ayant eu un accouchement sans complication. La proportion des complications graves était plus importante chez les femmes near miss (22%) comparativement aux femmes ayant accouché sans complication (6%) (p = 0,001). Le risque d'avoir une dépression était sept fois plus élevé chez les near miss avec un décès périnatal comparativement à celles avec accouchement normal. Durant les entretiens approfondis, les femmes ont mis l’accent sur le fardeau économique, les complications obstétricales qui ont entraîné des conséquences néfastes et durables sur l’état de santé de la femme et de sa relation avec son conjoint et sa belle-famille.À travers les résultats de notre recherche; nous avons conclu trois points essentiels:  Une meilleure écoute et une compréhension réelle des plaintes exprimées par les femmes sont de facto des éléments phares pour assurer une meilleure qualité de la prise en charge des femmes. La sensibilisation des cliniciens et des sages femmes et la révision du contenu de la formation des médecins, surtout en ce qui concerne les cours en obstétrique, afin d’intégrer le volet relatif à la santé mentale sont également importants. Ces éléments sont importants et pourraient contribuer à une meilleure qualité des soins maternels et néonatals.  L’amélioration de la qualité de prise en charge des femmes et de leurs nouveau-nés est tributaire d’un circuit de référence(s) clairement défini basé sur les profils et les caractéristiques des femmes à orienter rapidement à un niveau plus compétent, et du respect de la filière de soins dans des délais opportuns. Il est enfin primordial de développer des mécanismes de soins de santé maternels et néonatals qui ne se concentrent pas uniquement sur l’épisode de l'accouchement et autour des interventions obstétricales, mais également sur les femmes et leurs nouveau-nés dans le post-partum. Davantage de ressources sont de ce fait nécessaires pour veiller à ce que ces femmes reçoivent des soins adéquats avant et après la sortie de l'hôpital. La sensibilisation et l’implication de la famille et du conjoint à différentes étapes de la grossesse sont essentielles pour le bien-être de la femme et de son nouveau-né.