Résumé : L’hypothèse prédominante de cette thèse est que les traitements utilisés pour le cancer du sein de stade précoce (chimiothérapie avec des anthracyclines et/ou avec l’anticorps monoclonal trastuzumab) peuvent amener à des toxicités cardiaques à long terme, et qu’une évaluation de ce risque cardiaque ainsi qu’un suivi à long terme sont importants. Pour évaluer la toxicité cardiaque secondaire à ces deux agents chez les patientes avec un cancer du sein de stade précoce, nous avons réalisé deux séries d’études cliniques, la première pour évaluer la toxicité cardiaque à long terme induite par les anthracyclines, et la deuxième pour explorer la toxicité cardiaque induite par le trastuzumab. 1) Le premier chapitre de cette thèse explore la toxicité cardiaque à long terme induite par la chimiothérapie administrée aux patientes avec cancer du sein de stade précoce et ganglions positifs. La population de notre étude a été recrutée au sein de la population d’une étude de phase III randomisée menée entre 1988 et 1996 en Belgique et comparant trois schémas de traitement de chimiothérapie adjuvante, soit deux différents protocoles de chimiothérapies à base d’anthracyclines (basse dose ou haute dose d’epirubicine) ainsi qu’un schéma de chimiothérapie sans anthracyclines (CMF classique). Nous avons identifié 82 patientes (30%) traitées avec chimiothérapie adjuvante dans cette étude qui n’avaient pas de signe de récidive en 2010 (survivantes à long terme). Une évaluation cardiaque approfondie de ces patientes a été effectuée, incluant une échographie cardiaque, une résonance magnétique nucléaire, des marqueurs cardiaques sériques (pro-BNP et troponine), ainsi qu’un test de marche de 6 minutes. Cette étude nous a permis de démontrer que la toxicité cardiaque à long terme liée aux anthracyclines reste faible, et que la résonance magnétique est potentiellement plus précise que l’échographie cardiaque pour mesurer la fonction du ventricule gauche. Ceci devra cependant être confirmé dans d’autres études. Au cours de notre démarche, nous avons été confrontés à la difficulté de motiver les patientes plusieurs années après le traitement pour étudier les potentiels effets à long terme de ce dernier. 2) Le deuxième chapitre de cette thèse explore la toxicité cardiaque induite par l’anticorps monoclonal trastuzumab (anti-HER2). En un premier temps, nous avons examiné la toxicité cardiaque immédiate et à long terme au sein de la population de l’étude HERA, un large essai clinique randomisé de phase III du Breast International Group évaluant le bénéfice du trastuzumab en traitement adjuvant du cancer du sein HER2-positif. Après un suivi moyen de 8 ans des 5,102 participantes de l’étude, nous avons pu démontrer que la toxicité cardiaque demeure faible à long terme, avec très peu de nouveaux évènements cardiaques diagnostiqués dans la phase de suivi. Nous avons aussi pu démontrer que la toxicité cardiaque du trastuzumab apparait surtout pendant la phase de traitement, et qu’une fois le trastuzumab arrêté, la majorité des patientes récupèrent de l’épisode de toxicité cardiaque avec normalisation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche. En un deuxième temps, en effectuant une analyse combinée de la toxicité cardiaque dans trois essais cliniques randomisés, nous avons démontré que l’usage concomitant du trastuzumab avec une chimiothérapie néo-adjuvante à base d’anthracyclines augmente le risque d’une toxicité cardiaque chez les patientes ayant un cancer du sein de stade précoce. Conséquemment, ces schémas de traitements ne sont pas recommandés de routine.En conclusion, une bonne évaluation cardiologique et oncologique doit avoir lieu avant de démarrer une chimiothérapie à base d’anthracyclines chez les patientes ayant un cancer du sein de stade précoce. Actuellement, la recommandation est d’évaluer les facteurs de risque cardiaque avant le traitement, et de suivre la fraction d’éjection du ventricule gauche avant, pendant et environs 6 mois après la fin du traitement. L’usage de marqueurs cardiaques et/ou de tests d’imagerie modernes pour un diagnostic de toxicité cardiaque tardive reste un domaine d’investigation intéressant. Pour les patientes avec un cancer du sein HER2-positif de stade précoce, le risque de toxicité cardiaque induite par le trastuzumab demeure faible. Cependant, les facteurs de risque doivent être évalués pour chaque patiente avant le traitement. L‘usage concomitant de trastuzumab et anthracyclines n’est pas recommandé vu le risque augmenté de toxicité cardiaque. En cas de facteurs de risque cardiaque, un dialogue étroit entre l’oncologue et le cardiologue est recommandé avant de débuter un traitement adjuvant.