Résumé : La mise en finance de la dette d’Etat, et les crises auxquelles elle donne lieu, font de l’instauration d’un cadre juridique régissant la restructuration et le défaut des dettes d’Etat, un enjeu majeur pour l’Europe. En l’absence d’un droit européen de la « faillite » d’Etat, un régime de défaut a emmergé sur le terrain de la pratique, dans les contrats d’emprunt d’Etat obligataires. Les Etats européens ont en effet privilégié une approche décentralisée et volontaire de la restructuration des dettes d’Etat : le contrat d’emprunt d’Etat établit les règles qui organisent les relations de dette entre les Etats débiteurs et leurs créanciers privés. Sous l’effet de l’intégration financière européenne, ce régime de défaut revêt des formes de plus en plus standardisées. Le présent travail consiste à identifier les éléments constitutifs du régime contractuel de défaut des Etats européens, à en apprécier le caractère idoine à l’aune des besoins de l’Etat et à en évaluer la portée. Il adopte pour ce faire une méthode pragmatique, basée sur une analyse empirique des contrats et une étude de cas. Il ressort de celles-ci que le régime de défaut contractuel des Etats européens tend à rapprocher l’Etat débiteur du débiteur ordinaire. D’une part, les Etats consentent, pour assurer l’attractivité de leurs titres de créance sur le marché européen très concurrentiel des dettes d’Etat, à adopter des dispositions attentatoires à leur souveraineté, qui les privent de la marge de manœuvre nécessaire à l’adoption de mesures de sauvegarde adaptées en cas de crise de la dette. D’autre part, les deux principaux fors compétents – les juridictions anglaises et new-yorkaises – ont consacré la force obligatoire des contrats d’emprunt d’Etat, lesquels priment les considérations d’intérêt général qui jadis fondaient le défaut souverain. En effet, la jurisprudence libérale de ces fors, favorables aux créanciers de l’Etat, ont encouragé la professionnalisation des requérants et le développement d’une industrie contentieuse du défaut d’Etat, communément désignée comme l’industrie des « fonds vautours ». Les stratégies contentieuses agressives déployées par ces nouveaux acteurs ont permis d’obtenir la condamnation des Etats défaillants et des mesures de contrainte sur le terrain encore très préservé par l’immunité d’exécution des Etats. Cette thèse a ainsi pour enjeu, et s'inscrit, dans le débat contemporain relatif à la transformation de l'Etat européen sous le poids de son endettement.