Résumé : L’ambition de ce travail est d’expliquer le rôle du bien dans la philosophie platonicienne. Omniprésente dans les dialogues de jeunesse, la recherche d’une science du bien (agathologie) culmine dans la République, où le rôle de l’Idée du bien par rapport à l’intelligible est comparé à celui du soleil par rapport au sensible. La thèse défendue est que cette analogie entre des fonctions ne devient compréhensible que si on la lit à la lumière du Philèbe, dialogue qui examine la nature du bien. Grâce à un commentaire interne et détaillé de ce dialogue, fondé sur les principes de l’herméneutique de Schleiermacher, il est montré comment s’y opère progressivement et de manière rigoureuse le passage d’un examen de la vie bonne à la mise au jour du contenu de l’Idée du bien. Au cours de cette recherche, sont également abordés des problèmes aussi divers que les rapports entre l’un et le multiple, la division de tous les contenus de l’univers en quatre genres, la présence d’une intelligence démiurgique dans le monde, la division du plaisir en ses espèces, la distinction des différents pouvoirs de l’âme, la nature de la perception, les rapports entre la beauté et le type d’émotion qu’elle suscite, la classification des sciences, etc. Au terme de ce parcours, on découvre que le contenu de l’Idée du bien consiste en l’unité de la mesure, de la beauté et de la vérité. Cette unité permet d’unifier au sein d’une discipline unique trois champs de la philosophie qui sont aujourd’hui généralement considérés comme radicalement distincts : la morale, l’esthétique et la science. Cette discipline unique, en tant qu’elle se consacre à l’étude du bien, peut être nommée « agathologie ». Il s’agit d’une science, et même de la science suprême selon Platon, mais cette science ne doit pas être comprise comme un savoir figé qui s’immobiliserait dans la contemplation de ses résultats, mais comme dialectique, c’est-à-dire comme s’identifiant au mouvement de recherche qui mène à ces résultats et qui met en œuvre de manière décisive la mesure, la beauté et la vérité. Cette compréhension de la philosophie platonicienne comme agathologie permet de saisir l’unité profonde de la démarche qui se manifeste dans tous les Dialogues, depuis les premiers jusqu’aux derniers, puisqu’elle montre que tous ne traitent jamais que du bien sous l’une ou l’autre de ses formes. D’où l’importance du Philèbe, dialogue qui donne sens à tous les autres en les organisant relativement à une recherche unique : la recherche du bien.